Est refusé à Feydeau le statut accordé à Molière. Moins pour la qualité de sa langue que par le monde qu’il dépeint : il est trop près du nôtre et de ses absurdité. Et si légèreté il y a, elle est la nôtre.
Dès lors, ce miroir nous aveugle. Et nous refusons de nous y voir sauf à considérer le toutim comme un divertissement.
Néanmoins, Feydeau n’aura eu de cesse d’enfoncer ses clous tordus dans la langue théâtrale. D’où tout un éventail de propositions à la fois critiques et bien plus formalistes qu’il n’y parait.
Elles mettent à bonne distance bien des amuseurs, de son époque ou de la nôtre.
Apparemment, tout est propagé dans une langue peu soucieuse de singularité stylistique et indifférente aux polissages esthétisés. Feydeau est même parfois suspecté de facilités chansonnières voire cabaretières.
Mais ne nous y trompons pas : la langue est là pour mettre à nu une société bourgeoise ostensiblement dérisoire.
Le ton est sarcastique et goguenard. L’ambiance — si nous y prêtons attention — est volontiers sordide mais avec l’air de ne pas y toucher. De “Tailleur pour dames” à “Mais n’te promène donc pas toute nue” en passant par “Le dindon” ou “La puce à l’oreille”, la comédie devient une farce roturière au rire verbal et de situations.
Platitudes triviales, défauts de prononciation, raccourcis de syntaxe, lapsus concertés traitent d’obsessions basiques et stylisent sommairement les résidus d’un monde que l’auteur parodie et que l’exécution scénique amplifie.
C’est un régal.
jean-paul gavard-perret
Feydeau, Théâtre, La Pléiade, Gallimard, Paris, 2021, 1776 p. — 69,00€.