Par son travail, Daniel Dezeuze crée les contours et creuse des fractures d’un art capable de repousser ses propres codes, et de se réinventer : ” ma trajectoire s’inscrit dans l’espace historique du tableau à la fois objet réel et objet de connaissance. L’amour de la peinture passe pour moi par une sensualité retenue, un formalisme renouvelé et une tentative picturale ouverte dans ses variations.”
Ses hybrides au croisement de la peinture et de la sculpture prouvent sa constance dans divers principes de radicalité. Depuis le début des années 70 où les poulaillers des avant-gardes furent vidés pour laisser place souvent au rien, Dezeuze en reste un survivant qui ne vit pas de ses rentes. Il prend en compte chaque fois l’avancée des arts, ses théories mais aussi des médias.
Dès lors, il engage un pas au-delà de la peinture sans pour autant caresser dans le sens du poil les symptômes d’une société emprise à la dématérialisation.
Dans le bouillon d’un certain éclectisme, il impose d’étranges totems dérisoires qui impliquent des regards en coin et non sans ironie. Loin des académismes décomplexés, des ignorances intéressées, son exigence et son imaginaire font feu de tout bois dans un travail qui au maintien préfère le change.
S’appuyant sur sa dernière série, il lui ajoute un codicille, non pour la considérer comme échue mais pour lui donner encore plus un poids d’impensé et au-delà d’articuler à la question globale de la culture contemporaine.
Preuve qu’à l’époque du numérique et la prolifération des écrans, Dezeuze permet de replonger dans un univers de supports désossés, de matériaux démantelés et d’objets détournés. Peignant au besoin des châssis sans toile, sa démarche accorde une importance égale aux matériaux, aux gestes créatifs et à l’œuvre finale.
Le réel en ses accessoires (sensible, érotique, pathétique, économique, politique) dans de telles “images” comme dans les textes de l’artiste accède à l’existence symbolique. Face à la déréalisation du monde, Dezeuze déstabilise le prêt-à-voir et fait preuve d’un imaginaire plus radical que jamais sans le gonflement agressif des plumages formels prétentieux.
L’artiste laisse aux têtes molles de l’art les combats de coq.
jean-paul gavard-perret
Daniel Dezeuze, Ecrans / Tableaux — Variations, Galerie Templon, Paris, du 6 novembre au 23 décembre, 2021.