Cette pièce, que publiaient Les Solitaires intempestifs en 2019, reste d’actualité. Car le monde du conte est immortel. Dans ce texte qui a trouvé sa place dans la « collection jeunesse », on est loin d’un texte scolaire et encore plus d’un divertissement pur.
Ainsi, on est plus proche du Roi se meurt de Ionesco, que de l’Alice de Disney. J’ai songé à cette déconstruction du Chaperon Rouge dans le film de Neil Jordan, La Compagnie des loups.
Grâce à des jeux scéniques et verbaux, l’attention se détourne et la réalité factuelle apparaît. Le Prince est un mauvais sujet qui va mourir car il n’est pas physiquement indestructible quand Blanche-Neige fait du ménage.
Loin donc le baiser ravissant, et place à l’ironie conçue comme une attitude morale propre à défaire le carcan des lieux communs du conte, à éclater le cadre strict et ouvrir le raisonnement : non, Blanche-Neige n’est plus ce qu’elle était.
Voilà notre palais.
Toc-toc-toc
Rouge-Sang !
Toc-toc-toc
Noir-Ébène.
Quel sot je fais !
C’est moi qui ai la clé
la petite clé de la petite porte.
ou
Il était une fillette
Qui voulait savoir le jeu d’amour.
Un jour qu’elle était seulette
Je lui en appris deux ou trois tours.
On est parfois dans la farce ou la comédie burlesque, dans la « musique » de Ubu Roi. Tout cela servi par une écriture rapide et palpitante, au rythme expressif.
On flotte ainsi dans Peau d’Âne, dans Cendrillon, qui fait récit féminin, pour une Blanche-Neige postmoderne et vivante.
Peut-être sommes-nous encore dans un sketch de Laurel et Hardy ? Et profondément on ressent l’inquiétude de la mort et du drame, sentiments du destin où plaisanter s’exprime par une ironie violente.
Donc, une pièce pour jeune adulte ou vieil adolescent.
didier ayres
Marie Dilasser, Blanche-Neige, histoire d’un prince, éd. Les Solitaires intempestifs, 2019 — 12,00 €.