Jonas Crow, le croquemort, est aux prises avec un ancien compagnon de rue avec qui, lorsqu’ils étaient enfants, il faisait les quatre-cents coups. Il s’attache à défendre des valeurs qui lui tiennent à cœur. Il est épris de justice et, sous des dehors un peu abrupts et déroutants, il cache un cœur d’or et défend la veuve et l’orphelin. Mais Jonas n’est pas bien moralement. Il a laissé partir la femme de sa vie sans un geste, sans un mot pour la retenir.
Jonas, quitté par Rose Prairie, est désespéré. Sid Beauchamp, un ami de jeunesse, devenu sheriff de Tucson, a besoin de lui pour ramener le corps du fils de Joséphine Barclay, la plus riche veuve de la ville. Elle a imposé cette condition pour épouser Sid. Or, pénétrer en territoire apache est fort dangereux.
Sur place, Jonas apprend par Salvaje, une guerrière, que le fils de Joséphine était appelé l’Indien blanc, qu’il était son époux, le père de son enfant et l’âme de la résistance apache. Et, révèle-t-elle, c’est Sid qui l’a tué !
Jonas décide alors de ramener le corps en territoire apache. Mais Sid s’y oppose et réagit violemment. Il le fait prisonnier avec Salvaje, Chato, le fils de celle-ci et Kenitei, un vieux guerrier.
Dans le train qui les ramène tous à Tucson, Sid se laisse aller à des confidences, décrit à Jonas comment vont se dérouler les funérailles. Si Jonas raconte à Joséphine la version préparée par Sid, si les Apaches se tiennent tranquilles, ils pourront retourner sains et saufs dans un réserve en Floride. Sinon…
Mais quand cela ne veut pas aller…
Dans ce diptyque, Xavier Dorison n’épargne pas son héros, le plaçant dans des positions difficiles, le confrontant à des choix douloureux face à des personnages particulièrement ignobles. Le scénariste signe un récit empreint d’une grande violence où les aspects les plus sombres de l’humanité sont mis en scène. Il déroule une histoire mettant en lumière certains des codes du western, dense en révélations et coups de théâtre.
Il anime une galerie de protagonistes campés avec justesse, aux caractères complexes, présentant tous un intérêt malgré le côté très noir qu’ils peuvent avoir. Il est passionnant de suivre quelques-uns d’entre eux, hantés par les choix qu’ils doivent assumer et par leur passé. On retrouve presque toutes les grandes émotions telles que la jalousie, la vengeance, l’ambition…
Mais, cette noirceur est tempérée par des dialogues enlevés, les réparties toniques et cocasses, l’humour du croquemort et ses pseudos paroles d’évangile, un évangile de son invention. Un tel scénario ne peut rendre le meilleur de lui-même qui si la mise en images est à la hauteur. Et là, avec un Ralph Meyer au mieux de sa forme, au talent qui déborde des planches, c’est un délice. Les personnages sont magnifiques et évoluent dans des décors soignés, minutieusement reconstitués. Il ose des cadrages judicieux, plonge le lecteur dans le cœur du récit, lui fait partager les affres du drame.
Ce dessin est servi par une mise en couleurs particulièrement réussie, œuvre commune de Ralph Meyer et Caroline Delabie.
Ce sixième tome conforte tout l’intérêt que l’on peut porter à cette série aux scénarii d’une grande finesse, aux intrigues particulièrement travaillées et au graphisme qui est une fête pour l’œil.
Un tome 7 est d’ores et déjà annoncé : Mister Prairie.
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serge perraud
Xavier Dorison (scénario sur une idée originale de Ralph Mayer et Xavier Dorison), Ralph Meyer (dessin) & Caroline Delabie (couleur), Undertaker — t.06 : Salvaje, Dargaud, août 2021, 64 p. – 15,00 €.