Le commandant Priam Monet, un ex de la Crim’ et des Stups, arrive par le train dans la petite ville de Thyanne vers la frontière italienne. Il est missionné, en tant qu’inspecteur de l’IGPN, pour évaluer le poste de la Police aux frontières. Il est accueilli par la sous-brigadière Claire Mougel. Ses premiers contacts avec les membres du poste et son environnement montagnard lui déplaisent particulièrement. Mais, il est d’un naturel très hargneux, détestant presque tout. Son aspect physique, il est très grand mais surtout très gros, ne lui facilite pas la vie.
L’arrestation de quelques migrants le sort de la paperasse qu’il brasse pour l’évaluation. Mais quand un vieil homme découvre un cadavre dans son coin de morilles, il suit Claire sur les lieux. Sur place, ils rencontrent Sophie Berling, substitut du procureur, qui décide de lui confier l’enquête compte tenu de son passé et du fait que les enquêteurs patentés sont à une heure et demie du site. Priam accepte avec empressement pour échapper momentanément à la paperasse.
L’examen du corps le convainc qu’il ne s’agit pas d’un accident, d’une chute de la falaise qui surplombe, mais d’un meurtre car les nombreuses blessures n’ont pas saigné ni taché les vêtements qui veulent le faire passer pour un migrant.
Il pense résoudre rapidement l’affaire mais…
Pour ce roman, Laurent Guillaume, crée un enquêteur au caractère bien original. Il a un prénom peu commun, un cadeau de sa mère, une helléniste distinguée, mais porte beaucoup trop de kilogrammes superflus qui le handicapent. Ces kilos alimentent une source de mauvaise humeur, résultat des efforts à déployer pour bouger sa carcasse.
Il était commandant dans des secteurs actifs avant d’être muté dans la police des polices pour une raison que le romancier esquive dès le début en évoquant une photo parue suite à une fusillade.
Autour de ce personnage, qui va vite réendosser un habit d’enquêteur connaissant à merveille les procédures à employer sur une scène de crime, les façons de mener des interrogatoires, Laurent Guillaume installe une belle galerie de personnages. Il construit de vrais protagonistes avec un soin méticuleux, leur donnant chair et corps. Il les anime de sentiments, d’émotions, d’attitudes recherchées et bien en lien avec l’intrigue.
Cette dernière est construite avec brio pour marier événements récents et passé obscur mais dont les ressorts, cependant, relèvent bien de la nature humaine.
L’auteur fait une belle place aux personnages féminins, ceux-ci n’ayant pas le rôle de faire-valoir, ayant une trajectoire propre une autonomie qui, si elle n’était pas acquise, le devient.
Retenant pour cadre de son histoire une petite ville avec ces modes de fonctionnements propres aux communautés où tout le monde, ou presque, se connaît, il fait jouer des interactions subtiles et habiles.
Il livre, dans le fil des dialogues, dans des apartés, nombre de remarques, de réflexions sur la société, sur son évolution, sur les modes, comme, par exemple l’emploi de mots remplaçants des vocables plus forts. On dit prélever plutôt que tuer un animal, on utilise décédé pour mort…
Avec ce roman noir où se conjuguent de belle manière actions, rebondissements et humour, Laurent Guillaume anime une belle galerie de protagonistes dont on aimerait retrouver certains dans de futures enquêtes.
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serge perraud
Laurent Guillaume, Là où vivent les loups, Folio n° 935, coll. “Policier”, mai 2021, 368 p. – 8,10 €.