Marie-Madeleine de La Fayette, La princesse de Clèves : édition Christian Lacroix

Réin­ven­ter la réalité

En sou­ve­nir de ses pre­miers livres de poche, Chris­tian Lacroix avait, il y a quelques années, des­siné, pour cha­cun des titres, les illus­tra­tions de cou­ver­ture et de jaquette, ainsi que les pages de garde et les rabats. Il colora jusqu’à la tranche des livres. Parmi eux : La Prin­cesse de ClèvesLe cou­tu­rier qui n’a cessé a de trans­gres­ser ses propres fron­tières, et animé par son inté­rêt pour les livres et la lit­té­ra­ture, a décidé d’aller plus loin avec ce nou­veau livre.
Il a relevé le défi de s’approprier le texte de Madame de Lafayette en l’ornant de des­sins ori­gi­naux ins­pi­rés par ce roman qu’il invite à lire ou relire. Grâce à sa ponc­tua­tion, il pour­suit la défense et illus­tra­tion d’un livre devenu un sym­bole de résis­tance et qu’un pré­sident de la répu­blique remit à la mode il y a quelques années.

L’œuvre, publiée ini­tia­le­ment de manière ano­nyme ou sous des noms d’emprunt, apporta la suc­cès à celle qui fut com­tesse, dame d’honneur d’Anne d’Autriche. Elle fré­quenta les salons de son temps avant de fon­der le sien et fut l’une des meilleures amies de Madame de Sévi­gné. Dans l’appartement de jeunes mariés de ses parents en Arles, Chris­tian Lacroix dor­mait près de la biblio­thèque fami­liale. Les livres de la col­lec­tion Blanche furent cer­tains de ses com­pa­gnons. Sen­sible au Gara­mond de la col­lec­tion et à son for­mat clas­sique (qu’il agran­dit pour cette édi­tion), l’artiste donne sa propre  inter­pré­ta­tion du texte qui fut pour lui de for­ma­tion (avec Le Grand Meaulnes).
Le récit de Madame de Lafayette devint en effet une ouver­ture vers le monde du rêve ou de la réa­lité réin­ven­tée. Ce qui ne l’empêchait pas d’aimer de manière conco­mi­tante à l’époque les Beatles et San Anto­nio. Mais la Com­tesse (dont il il tro­qua enfant le livre contre les maga­zines pour retrou­ver son his­toire) demeure vivante et nour­rit sa création.

L’artiste prouve que dans ce livre les rai­son­ne­ments ne roulent pas exclu­si­ve­ment sur le cri­tère de la vrai­sem­blance. Pour le cou­tu­rier, le récit est bien plus que le médium d’une dis­cus­sion phi­lo­so­phique mon­daine. L’œuvre pos­sède une por­tée contem­po­raine en expri­mant des pré­oc­cu­pa­tions fémi­nines et/ou fémi­nistes.
Lacroix l’a bien com­pris : d’où sa volonté de réac­tua­li­ser l’œuvre. Il en retient le « symp­tôme » qu’il magni­fie avec drôlerie.

jean-paul gavard-perret

Marie-Madeleine de La Fayette, La prin­cesse de Clèves : édi­tion Chris­tian Lacroix, Le Livre de Poche, 2011, 253 p.

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