L’inventivité du messager est aussi une recherche théâtrale
Olivier Py fait jouer, dans le cadre d’une programmation « Paris-Berlin », un de ses textes par la troupe de la « Volksbühne ». Die Sonne, une de ces pièces ambitieuses explorant les puissances de la parole dans une quête mythologique, se présente sous la forme d’un hymne à la joie finalement vain.
Le manège sans enchantement de la créativité
Un mur de pierre dessine l’espace scénique comme un intérieur-extérieur. Devant, sur un lit, dort un jeune homme auréolé, le génie de l’éveil ceint de draps blancs. Le jeune satyre concentre l’attention des autres personnages et constitue le thème de la pièce : la lumière — parfois sombre — de l’éveil et de la création. Le messager plein de fougue et de vitalité, dont la spontanéité défie toutes les conventions, anime la scène de ses frasques.
L’esprit qu’il incarne fait tournoyer le décor : une maison dont l’intérieur est un grand espace évidé. L’action se passe le plus souvent autours des murs. Entre eux, un pianiste développe par moments l’illustration musicale de l’action. L’espace intérieur de la bâtisse accueille la scène dans la scène. Le décor fait vite un manège en rotation, embarquant dans une course indéfinie les scènes qu’il contient et réfracte comme un kaléidoscope.
La figure nietzschéenne d’Axel est présentée de façon grandiloquente, avec la virulence verbale familière à Olivier Py. Le propos est didactique et répétitif, manque de fluidité parce qu’il souligne à l’envi les emportements lyriques dont il est composé. L’intention pédagogique devient vite insupportable. Même les joliesses deviennent pesantes, lorsqu’elles sont assénées et ne trouvent pas à se fondre dans une narration porteuse. En l’occurrence, les personnages manquent de consistance et demeurent otages d’une pièce d’esprit incantatoire, sinon prophétique, et non dénuée d’aspects romantiques.
La pièce développe une hypothèse — celle du génie créateur, indomptable et hypersensible — qui semble dater de la fin du XIXe siècle. Le propos a quelque chose de sérieux, de grave, jusque dans sa manière d’anticiper par ironie les reproches qu’il encourt. Le propos prend également pour objet l’intention dramaturgique ; on parle du théâtre dans le théâtre. L’inventivité du messager est aussi une recherche théâtrale. Pourtant, là encore, les dialogues restent didactiques et finalement alourdis par leur effort permanent d’explication.
Au début de la deuxième partie, le spectacle parvient un temps à faire sens ; toutes ces pratiques décadentes siéent mieux à l’ange déchu pleurant son sort. Mais de nouveau le ton se fait instructif. Olivier Py veut embarquer son public ; il entend lui montrer beaucoup — trop ? — de choses. Il dit, souligne, explicite, comme s’il voulait ne rien laisser échapper. Ainsi, il sature le spectateur au lieu de l’éveiller.
christophe giolito
Die Sonne
en allemand surtitré
de & mis en scène par Olivier Py
avec : Uli Kirsch, Sebastian König, Uwe Preuss, Lucas Prisor, Ingo Raabe, Ilse Ritter, Mandy Rudski et Claudius von Stolzmann
Piano : Mathieu El Fassi
Traduction : Leopold von Verschuer
Dramaturgie : Maurici Farré
Scénographie & costumes : Pierre-André Weitz
Lumières : Bertrand Killy
Le texte de la pièce est paru en français chez Actes Sud-papiers en 2011.
Musique : Mathieu El Fassi
Durée : 3h30 avec entracte. Tarifs : de 6€ à 32€
Production Volksbühne am Rosa-Luxembourg-Platz, Berlin, Créé le 2 novembre 2011 à la Volksbühne am Rosa-Luxembourg-Platz, Berlin
Première en France