Collectif, Nouveau Roman. Correspondance, 1946–1999

Un moment nou­veau du roman

Publié sous la direc­tion de Jean-Yves Tadié, ce livre ras­semble — à l’exception de Mar­gue­rite Duras et de Beckett — ceux qui dès les années 60–70, autour de Jérôme Lin­don et ses édi­tions, allaient for­mer le “Nou­veau roman”  sous lequel se des­sina sinon une école du moins un aéro­page dis­si­dent des nar­ra­tions  communes.

Il est vrai que les uni­vers roma­nesques sont bien dif­fé­rents.
Claude Simon laisse une grande place à l’Histoire du temps dans ses romans : chez Robbe-Grillet (sans doute le plus proche de Lin­don), elle se dissout.

Quant à Michel Butor, Claude Ollier, Robert Pin­get, Natha­lie Sar­raute, ils ne font que tour­ner autour. Mais dans ce livre se dis­cerne com­bien les uns et des autres se sou­tiennent, se lisent, s’éloignent et de fait les lettres témoignent sinon de l’existence d’un mou­ve­ment lit­té­raire com­pact, du moins d’un moment nou­veau du roman.
Ce cor­pus devient une pièce jus­ti­fi­ca­tive de cette étape majeure.

Au gré des cha­pitres se décline un pas­sage vers une nou­velle voie et une autre expé­rience de la fic­tion. La mons­tra­tion du secret de l”existence y échappe à la nar­ra­tion clas­sique comme à ses repères. Cha­cun des impé­trants s’oblige à un tra­vail de décryp­tage.
Le roma­nesque est détourné du lit de son fleuve tran­quille et fait le jeu d’une autre proxi­mité plus intéressante.

La fic­tion perd son sta­tut de bloc de réfé­rence au réel afin qu’émerge une lit­té­ra­lité dif­fé­rente faite de frag­men­ta­tions, dis­per­sions, inci­sions, cou­pures. De ces bribes assem­blées sur­git chez un Pin­get l’attrait du néant mais pour Simon ou Sar­raute la quête du sens. Dans tous les cas, la poé­tique de l’imaginaire prend des tour­nures incon­nues.
Chaque oeuvre reste l’approche ou le pro­lon­ge­ment d’un livre entrevu qui répon­drait par explo­ra­tions de nou­velles don­nées et archives à la fois au “sommes-nous” de Jabès et au “si je suis” de Beckett.

Les auteurs qui ont pul­vé­risé les voies de la pré­ten­due trans­pa­rence nar­ra­tive sont là sai­sis au plus près de leur vie et de leurs pré­oc­cu­pa­tions lit­té­raires. Et leur cor­res­pon­dance fait émer­ger cer­taines pièces qui font par­tie d’une entre­prise mul­ti­forme.
Elles ne peuvent l’englober en sa totalité.

Mais cela résonne comme un puzzle, un assem­blage de pièces dis­pa­rates qui laissent appa­raître jusqu’à des doutes voire des confu­sions et des absences face aux idées admises.
Et ce, en  une lucide simplicité.

jean-paul gavard-perret

Col­lec­tif, Nou­veau Roman. Cor­res­pon­dance, 1946–1999, Michel Butor, Claude Mau­riac, Claude Ollier, Robert Pin­get, Alain Robbe-Grillet, Natha­lie Sar­raute et Claude Simon,
édi­tion de Car­rie Land­fried & Oli­vier Wag­ner,  Gal­li­mard, col­lec­tion Blanche,Paris, 2021, 336 p.

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