Purification profane
Grâce à Hygie et Panacée, Frédérique Nalbandian renoue avec sa matière de prédilection, le savon, symbole de l’hygiène. Depuis quinze ans, elle travaille avec la Savonnerie du Fer à Cheval, la plus ancienne et la plus grande savonnerie de Marseille, qui produit un savon particulièrement raffiné cuit en chaudrons.
De cette matière brute et encore chaud,e elle a réalisé trois représentations de Panacée dans une forme qui inclut les gestes augustes des lavandières et le classicisme des déesses antiques en leur peplos plié destiné à mettre leur corps en valeur.
Quant à Hygie, elle est sculptée dans un bloc de savon de deux mètres de haut et de plus d’une tonne. Un documentaire présente les étapes de la sculpture. Il permet de mieux comprendre les enjeux cette création originale. Les déesses y deviennent les protectrices de notre époque troublée.
L’artiste saisit, trempe, froisse, manipule, sculpte le savon. Hygie et Panacée personnifient ainsi la santé et le remède universel, là où la galerie devient un temple en résonance avec notre temps de pandémie.
La plasticienne permet de toucher son travail après nous être mouillés les mains en une sorte de cérémonie de purification profane.
Le savon a priori propre à la disparition reste ici la matière solide qui résiste au temps.
Les sensations de l’odorat, la vue, l’ouïe et le toucher sont sollicités sous la forme “d’une osmose esthétique qui a lieu à travers la matière inerte” et nous convoque pour une histoire parallèle de la sculpture.
jean-paul gavard-perret
Frédérique Nalbandian, Hygie et Panacée, Galerie Eva Vautier, Nice, du 8 mai au 12 juin 2021.