Une représentation construite sans être habitée
La scène nationale des Gémeaux invite le spectacle créé par Christian Schiaretti pour la réouverture du TNP de Villeurbanne. Un décor somptueux, une troupe de qualité, qui en fait quelquefois trop, des choix qui trouvent leurs limites.
Une représentation construite sans être habitée
La scène s’ouvre sur un espace considérablement agrandi par un décor à caissons en trompe l’œil, moirant avec quelques variations sol, murs, plafond. D’emblée et jusqu’à terme, la lumière émane du décor : la perspective qui se développe est présentée comme artificielle ; elle relève de l’intrigue.
Le texte, souvent grandiloquent, confronte les destins et crédite l’improbable. Victor Hugo le juste se plait à renverser les valeurs : en matière de dignité, le gueux en remontre au noble, le valet vaut mieux que le maître. La justice ne peut triompher face aux forces lucifériennes ; du moins peut-elle lutter jusqu’à les mettre à mal.
Le théâtre hugolien se dit dans une geste généreuse et pesante : Christian Schiaretti, délibérément, la laisse se déployer. Les scènes sont traitées comme des éléments d’une stratégie organisée. Le ballet des courtisans est figuré par des déplacements qui paraissent ceux de pièces sur un échiquier. L’éclairage, la mobilité du fond de scène, des ouvertures permettent d’apporter des transformations à ce décor unique, et de faire vivre cet espace conçu pour être figé, à l’image de la monarchie et de ses dignitaires.
Le texte associe le salut de la reine et la justice rendue au peuple, dans une généreuse intention vaine, qui exprime les deux dimensions existentielle et politique du romantisme. Les acteurs jouent avec brio, se montrent incisifs, mais quelquefois trop emportés. Seul Jérôme Kircher, il est vrai doté d’une partition plus libre, peut exercer avec bonheur sa verve hussarde.
Les dernières scènes, de consistance si fragile, sont l’occasion de quelques facéties scénographiques dont la représentation aurait pu se nourrir plus souvent. D’un cadre officiel on passe aux arrières-plans. Mais la cheminée, le rideau gigantesques conservent au décor son aspect solennel, à la mesure du propos : la vengeance se termine dans le sang ; la justice est vouée à l’échec, l’amour ne s’accomplit que dans la mort.
Christian Schiaretti fait un travail honnête, propre, remarquable de fidélité au texte et à ses engagements. Il en résulte un spectacle raffiné, instruit, voire intellectualiste, mais décidément un peu figé par ses choix. On a connu la troupe du TNP plus habitée.
christophe giolito
Ruy Blas de Victor Hugo
Mise en scène Christian Schiaretti
Théâtre National Populaire Villeurbanne
Avec Robin Renucci, Jérôme Kircher, Roland Monod, Isabelle Sadoyan, Clara Simpson, Gilles Fisseau, Yves Bressiant, Philippe Dusigne, Claude Kœner, Romain Ozanon, Antoine Besson, Luc Vernay, Antoine Lyes, Vincent Vespérant. La troupe du TNP : Nicolas Gonzales, Juliette Rizoud, Yasmina Remil, Olivier Borle, Clément Morinière, Julien Tiphaine, Damien Gouy
Distribution -
Nicolas Gonzales* : Ruy Blas
Robin Renucci : Don Salluste
Jérôme Kircher : Don César, Un prêtre
Juliette Rizoud* : La Reine
Roland Monod : Don Guritan
Yasmina Remil* : Casilda
Clara Simpson : La Duchesse d’Albuquerque
Isabelle Sadoyan : La duègne, Une religieuse
Damien Gouy* : Le laquais, Un huissier
Clément Morinière* (en alternance) : Le Comte de Camporeal, Montazgo ; Un alcade
Julien Tiphaine* (en alternance) : Le Comte de Camporeal, Montazgo ; Un alcade, Un serviteur
Yves Bressiant : Le Comte d’Albe, Marquis de Priego, Une duègne, Un alguazil
Philippe Dusigne : Le Marquis de Santa-Cruz, Don Antonio Ubilla, Un alguazil
Gilles Fisseau : Covadenga, Une duègne
Claude Koener : Le Marquis del Basto, Don Manuel Arias, Une duègne
Olivier Borle* : Gudiel
Vincent Vespérant : Un serviteur, Un moine
Antoine Besson, Adrien Saouthi : Pages
Romain Ozanon : Un seigneur
Luc Vernay : Un seigneur, Un alguazil
Brahim Achhal : Technicien en jeu
Scénographie Rudy Sabounghi, assistante à la scénographie, accessoires Fanny Gamet, lumières Julia Grand, costumes Thibaut Welchlin, coiffures, maquillage Claire Cohen, son Laurent Dureux, assistante Laure Charvin, assistant à la mise en scène Olivier Borle, assistante aux lumières Mathilde Foltier-Gueydan
stagiaire à la mise en scène Esther Papaud
Production Théâtre National Populaire en coproduction avec Les Tréteaux de France en coréalisation avec le Théâtre Les Gémeaux, Sceaux.
Avec la participation du Conservatoire à Rayonnement Régional de Lyon et L’École Nationale de Musique, Villeurbanne.
Au théâtre Les Gémeaux, à Sceaux (01 46 61 36 67) du 6 au 29 janvier 2012. Les 8, 9 et 10 février 2012, à La Coursive, à La Rochelle.
Durée : 3 heures, entracte compris.