Fonction et représentation
Jean Michel Alberola poursuit depuis le début des années 1980 une oeuvre protéiforme. Elle navigue entre conceptualisme, abstraction et figuration. La peinture, mais aussi les travaux sur papier, la sculpture, les films, les textes, les livres d’artistes en composent les différentes facettes. Politique, poétique, l’œuvre pleine d’humour est faite d’actes d’engagement. Elle mêle aux réflexions artistiques des sujets politiques ou sociaux.
Donnant son titre à l’ensemble, la série — débutée il y a quinze ans — les « rois de rien » permet au créateur de décliner un mystérieux portrait aux pieds nus. Des monochromes aux armes et couleurs de la reine Elisabeth II leur font écho.
Approchant ainsi et à sa façon la tradition du blason, l’artiste permet de comprendre comment son travail avance pour imposer son propre langage où émerge une succession de développements et d’enveloppements.
Ils permettent à la forme chargée d’avenir d’’ imager” une sorte de merveilleux — mais pas que. Toiles, sérigraphies, œuvres sur papiers et mur peint dessinent, “à la manière de rébus philosophiques, s’interrogent sur la question du pouvoir, la dichotomie entre réalité et apparence, fonction et représentation”.
Tout le parcours est constitué de fragments figuratifs, éléments abstraits, évocations littéraires et musicales (Rolling Stones).
Jean-Michel Alberola travaille toujours par connexions, associations, détournements, citations, références parfois énigmatiques mais toutefois dégraissés de toute littérature quoique associant la parole au langage des formes. Portions de corps ou de géographies liées à des énoncés ou injonctions ambiguës recomposent les œuvres.
Mais l’exercice reste toujours purement pictural et lorsque les mots surgissent, ils demeurent des motifs formels au même titre que les pans de couleurs, les courbes et les lignes.
De plus et évidemment, dans cette exposition, l’artiste continue des narrations : “Tout le temps, je raconte des histoires, dans la vie, dans les tableaux. Je ne fais que ça, que des histoires.” dit-il. C’est pour lui l’objet de la peinture, “que ce soit Poussin, Vélasquez ou Mondrian” ajoute le plasticien. Pour lui, chaque peintre propose de fait une autobiographie à travers laquelle il parle du monde tel qu’il le voit.
jean-paul gavard-perret
Jean-Michel Alberola, Le Roi de rien, la Reine d’Angleterre et les autres, galerie Templon, Paris, du 20 mai au 17 juillet 2021.