Didier Ayres, Cahier, “Fragment XXVII ou Le rien”

Raphaël Poggi, Le sup­plice de Tan­tale, 1864.

Le Cahier est issu d’un moment d’écriture qui a pour sup­port un cahier Conqué­rant de 90 pages à petits car­reaux; il est manus­crit jusqu’au moment où je l’écris de nou­veau , cette fois-ci sous la forme d’un texte.
J’y prône la pos­si­bi­lité don­née à l’écrivain de, tout en par­lant de lui, tenir un dis­cours pour autrui.
J’aime la forme “je”, qui a des prin­cipes d’identification aux­quels je prête foi.

Frag­ment XXVIII ou Le rien

Peut-on conce­voir le vide au gré du vide ? Dire le vide par le vide. Il reste quoi qu’il en soit tri­bu­taire de l’expression du bord, du bord qui ferme la forme. Donc de la forme.

Est-il un objet de la pen­sée ? Oui, essentiellement.

L’acte d’écrire se confine à celui de mon­trer. Donc, le rien se déduit de quelque chose, d’une absence, sujet d’un désir qui se donne comme che­min, comme lutte la ques­tion de l’absence, désir qui est désir pro­jeté sur rien. Par essence.

Exis­ter ainsi s’indexe sur l’échappée de l’existence, vers ce qui lui fait bord. Vide qui sou­ligne. Silence. Phé­no­mènes du silence.

Pas de fusion, mais une absorp­tion, une infu­sion du rien vers le tout, du désir vers la tota­lité. Joie, tris­tesse. Infi­nité des choses finies. Ambi­guïté des termes. Des qualificatifs.

Une forme néga­tive. Qui signi­fie­rait le vide. Ôter. Ne pas savoir. Ne rien savoir. Être pauvre. Démuni.
Visité par d’autres richesses, les­quelles se trouvent dans le moins, l’en-deçà.

Sorte de coupe de cris­tal. De conte­nant. Fonc­tion d’accueil.
Unité dans la parole. Fusion de la viduité et de ce qui l’exprime. Une per­sonne dési­rante. Tan­tale fils de Zeus.

Du reste, je vois com­bien je ne rap­porte rien de cette plon­gée au sein du néant, car il est indi­cible, innom­mable et incoer­cible. Néant où tout avance.
Où se croisent les rayons imma­té­riels des sphères.

Faire face est presque impos­sible. Car le vide ne s’argumente pas. Il est une condi­tion. Il reste un espace men­tal.
Sorte de flaque d’or qui dis­pa­raî­trait comme ces mirages sur des routes très chaudes.

La pen­sée lui res­semble, à mon sens. Comme poé­tique. Comme pro­so­die. Comme dire. Une réa­lité sans mou­ve­ment mais plus large que la réa­lité.
Un agent. Une par­ti­tion. Une cou­pure. Là où la cou­pure se découpe.

Effet d’objets non conte­nus. Ivres de leur propre vie. Mélan­gés len­te­ment à ce qu’est la mort, endroit de néant solaire. Vide comme base pour recons­truire.
Non pas décons­truire pour construire, mais recons­truire pour abré­ger le néant. Le rendre à lui-même.

Didier Ayres

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