Didier Ayres, Cahier, “Fragment XXI ou Chaque jour”

LCahier est issu d’un moment d’écriture qui a pour sup­port un cahier Conqué­rant de 90 pages à petits car­reaux; il est manus­crit jusqu’au moment où je l’écris de nou­veau , cette fois-ci sous la forme d’un texte.
J’y prône la pos­si­bi­lité don­née à l’écrivain de, tout en par­lant de lui, tenir un dis­cours pour autrui.
J’aime la forme “je”, qui a des prin­cipes d’identification aux­quels je prête foi.

Frag­ment XXI ou Chaque jour

Chaque jour je m’approche et je m’éloigne, deve­nant plus étroit, len­te­ment. Où s’opère en moi cette res­tric­tion ? Cette épure ?
Le jour est une image.

Écou­le­ment sans flui­dité ni pro­gres­sion des eaux du ruis­seau par exemple : le jour est une don­née entière, com­pacte, dressé en moi comme une pierre mys­tique. Qui ne va mais œuvre.
La jour­née se renou­velle subrep­ti­ce­ment. Sans volonté ni devoir. Sans pers­pec­tive. Sans but sinon de renou­ve­ler des cycles annuels, décen­naux, quo­ti­diens, des horaires.
Un moment de conver­sion qui attrape les bois, le ciel, la rivière, le tertre humide de la col­line qui se découvre au bout de la ruelle. Une forme natu­relle de l’oubli, de la vanité de nos croyances, le temps de la jour­née reve­nant quoiqu’il en soit de la vie ou de la mort.

Aucune rémis­sion, aucun écueil où passent les ondes depuis la fenêtre. Car il n’y a aucun moyen d’arrêter, de stop­per cette diva­ga­tion régu­lière et sans fin.
De l’aube au cré­pus­cule du soir réside l’énigme.

Parfois très courte, par­fois très longue, la durée signi­fie les étapes de sa pro­gres­sion. Mais pas la pro­gres­sion elle-même.
Heure par heure, nuit par nuit, cycle lunaire après cycle solaire, où tout se dif­fé­ren­cie quand en même temps l’on échappe tou­jours à la sai­sir dans son ensemble, dans sa signification.

Rien, néant. Cela n’est rien. À pro­pre­ment par­ler cela s’anéantit et nous anéan­tit. Bien plus, il se mani­feste sans aucun moyen de le contrer.
Il imprime même notre visage, notre chair.

Aujourd’hui est une lutte. Sur­tout en ce qui concerne le tra­vail, le labeur maté­riel de l’écriture.
Pour mon compte, je visionne tou­jours le temps passé à tra­vailler — à écrire surtout.

Didier Ayres

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