En conteur créole, Chamoiseau depuis sa Martinique mélange rêverie et contemplation et continue à chercher sa voie tout en se demandant chaque fois s’il reste bien “en” littérature. A la recherche la puissance de l’instant créatif, il sait que “le conteur ne peut invoquer le conte” sinon à se transformer en “panier”.
Le “marronage” littéraire face à l’implantation des esclavagismes et là pour préserver son imaginaire et ses cosmogonies premières de “vivant nu” et contre le saccage mémoriel.
Pour lui, tout part de la danse. Elle appartient à l’homme nu et dépossédé qui ne possède pas de langage avant de se transformer en conteur “primordial” par l’articulation de la parole créole.
Ce conteur ne raconte jamais de manière linéaire mais dérivante face à l’ordre et ce, en une structure baroque de la pensée.
Existe l’écoute attentive du “rien” qui est tout. Elle crée une “sentimenthèque”, un cercle où le conteur inventait jadis une parole différente de celles des maîtres.
Elle se retrouve chez Glisssant mais aussi Rilke, Defoe, Joyce, Proust, Perse et surtout Rabelais dont la langue jubilatoire est comparable à celle du conteur créole.
L’auteur va ainsi au bout des langues dans un sursaut créatif au-dessus des mécanismes de dominations pour retrouver la part humaine première dans un expérience solitaire mais aussi solidaire.
jean-paul gavard-perret
Patrick Chamoiseau, Le conteur, la nuit et le panier, Seuil, Paris, mars 2021, 272 p. — 19,00 €.