Olivier Bal, La Forêt des disparus

L’arbre qui cache la forêt ?

Il peut paraître hasar­deux voire dan­ge­reux de se ris­quer à trai­ter dans un thril­ler de la thé­ma­tique assez conve­nue (mal­heu­reu­se­ment) des « dis­pa­rus », qui plus est au mitan d’un forêt, fût-elle amé­ri­caine, pro­pice à toutes les peurs et autres tur­pi­tudes propres à l’espèce humaine.
Sur­tout dans un contexte de pan­dé­mie et de confi­ne­ment qui n’invite pas, du moins sur le papier, à vou­loir se ron­ger les sangs en plon­geant avec les pro­ta­go­nistes de cette éprou­vante his­toire au cœur de ladite forêt de séquoias.
Et pourtant…

Et pour­tant Oli­vier Bal s’engage sans faillir dans cette voie périlleuse, bien aidé en cela par un décou­page fort ciné­ma­to­gra­phique des rebon­dis­se­ments plé­tho­riques qu’il pro­pose, de même que par un choix, effi­cace et judi­cieux, de la 1ère per­sonne du sin­gu­lier pour cha­cun des acteurs prin­ci­paux du drame qui se noue sous nos yeux dans la pai­sible bour­gade de Red­woods.
La notion de roman cho­ral prend de fait ici tout son sens, même si cer­tains lec­teurs ayant lu l’opus pré­cé­dent de l’auteur (L’affaire Clara Mil­ler) seront ten­tés d’attribuer le pre­mier rôle à Paul Green, jour­na­liste fra­cassé par les épreuves de la vie qui y sévis­sait déjà et doré­na­vant devenu « l’Étranger » dans ce trou perdu. D’autres pré­fé­re­ront voir dans l’immense et énig­ma­tique forêt qui borde Red­woods le pro­ta­go­niste majeur …mais d’autres pos­si­bi­li­tés sont conce­vables – notam­ment si l’on songe au rôle  dans ce page-turner de l’histoire authen­tique des pion­niers de l’Oregon.

La grande force, immer­sive, du roman tient dans cette mise en haleine per­pé­tuelle de chaque per­sonne qui s’exprime sans filtre, ren­for­cée par le croi­se­ment des scènes, dans un contexte d’emballement et d’urgence qui sied à l’évidence à ce genre lit­té­raire. Sous cet angle, Oli­vier Bal maî­trise son affaire, d’autant que l’axe choisi – une enquête en 2011 sur une série de dis­pa­ri­tions chro­niques de jeunes ran­don­neurs dans la forêt de Red­woods — est appuyé sur une solide docu­men­ta­tion his­to­rique quant à la colo­ni­sa­tion de la région qui vient se mêler à doses homéo­pa­thiques au secret, à la peur de l’autre et de l’inconnu, à la traque à la vie à la mort qui se déploient au fil des pages.
Le tout accen­tué, non sans réa­lisme, par des aller-retours dans le temps, l’isolement et le côté pri­mi­tif de cette région des Etats-Unis qui ren­voient chaque lec­teur à des réfé­rences en tous genres (elles sont mêmes musi­cales avec les goûts en la matière de Green et de la jeune Char­lie) qui appar­te­nant à l’imaginaire collectif.

Un ouvrage idéal par consé­quent, au nom de toutes ces rai­sons, pour se décon­fi­ner men­ta­le­ment (nous l’avons lu en deux jours, confir­ma­tion de son pou­voir addic­tif) en voya­geant de la sorte aux confins de « la forêt des dis­pa­rus ». La der­nière fois  qu’un thril­ler nar­rant une his­toire de dis­pa­rus dans un contexte géo­gra­phique situé en Ore­gon, près de Port­land, nous a inter­pellé ainsi, c’était sous l’influence de la plume rava­geuse d’un cer­tain et désor­mais pro­li­fique Maxime Chat­tam (voir L’Ame du mal , Pocket, 2004).
Tout porte à croire qu’Olivier Bal est voué à la même pro­met­teuse car­rière éditoriale.

lire un extrait

fre­der­tic grolleau

Oli­vier Bal, La Forêt des dis­pa­rus, XO édi­tions, 2021, 448 p. — 19,90€.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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