Nostalgia
Le cinéma a toujours été le rêve de Morris Donini. En Emilie-Romagne, tout le monde le connaît sous le nom de «cinemaio», l’artisan du cinéma. Dès son enfance, il dessinait des salles de projection sur ses cahiers. Le tout avant de rencontrer le propriétaire d’un cinéma dans une petite bourgade près de Bologne.
À la mort du propriétaire, on a demandé à Morris de faire vivre cette salle et il a accepté. 20 ans après, il gère 3 cinémas dans le district de la capitale régionale. Fiorella Baldisserri lui dresse le plus bel hommage.
D’autant que “il cinemaio” porte une attention particulière aux films de qualité. Il accorde un grand sens à l’accueil de son public, accompagnant le film avec apéritif et soirée à thème.
Il considère le cinéma comme un foyer, un lieu de rencontre qui, avec l’épidémie, a du plomb dans l’aile.
En cette année de fermeture forcée, il a décidé de continuer à montrer des films dans une salle vide. Morris devient le symbole scénarisé par Fiorella Baldisserri pour illustrer une défense au moment où une double fin des salles se dessine. Celle d’un cinéma Paradiso qui n’existe presque plus et un système de diffusion qui peu à peu s’étiole sous le joug de la pandémie et des plateformes numériques.
La photographe instruit une narration plastique et quasi cinématographique. Ses plans généraux à la lumière sourde donnent au réel un parfum de fiction. Et vice-versa. Atmosphère, Atmosphère. Poétique et profonde. Nostalgique mais en rien délétère.
Pour preuve, il “cinemaio” garde les portes de sa salle ouverte pour permettre aux habitants de la petite ville d’entendre les dialogues et la musique des films projetées dans le vide, tandis que sortent des reflets de lumière sur le bitume.
Le spectacle perdure.
jean-paul gavard-perret
Fiorella Baldisserri, Morris il cinemaio, www.fiorellabaldisserri.com