C’est l’invention du chemin de fer qui a le plus bouleversé la vie des habitants du continent de Kalandra. C’est dans ce monde en transition qu’évoluent Les Lames d’Ashura. Ce sont des guerrières, sous le commandement de la légendaire Ashura, qui lancent des raids sur les convois ferroviaires pour les piller. Le clan, à l’exception d’Osman son fils, n’est composé que de femmes. Elles sont les plus redoutées, les plus redoutables.
La matriarche voudrait réussir un énorme coup avant passer la main et transmettre à ses deux filles, Shota et Ikari. Osman ne vit que pour la danse mais, s’il est convoité en tant que mâle, il ne cède qu’à Layla, une jeune femme potelée.
Un indic informe Ashura qu’une statue en or de vingt tonnes va être transportée sur le Falcata, un convoi réputé inattaquable. Elle et ses filles travaillent méticuleusement leur coup, mais il y a toujours des impondérables et…
À partir des raids de pilleuses de trains, le scénariste développe une histoire aux multiples ramifications, explorant bien d’autres thèmes que ceux liés à l’action pure car de nombreux combats rythment le récit. Dans une mécanique qui semble bien huilée, il introduit des notions qui font basculer le futur de tous les belligérants, entre autres une notion qui pourrit depuis la nuit de temps les rapports humains.
Le scénariste multiplie ainsi les champs narratifs ouvrant de nouvelles péripéties, générant de nouveaux rebondissements. Il présente une société matriarcale où les rapports restent cependant proches de ceux que connaissent les sociétés où prédomine la gente masculine. Ces dames se livrent à la violence pour atteindre leur but, à l’érotisme. Mais fallait-il leur donner les mêmes comportements que les machos de base quand elles affirment, pour célébrer leur expédition réussie : “Fêtons ça dignement… en buvant comme des trous !”
Baptiste Pagani, qui réalise également le dessin et la mise en couleurs invite à découvrir un univers graphique singulier. Il mise beaucoup sur les teintes pour rendre les reliefs. Est-ce parce qu’elles sont des guerrières ayant développé une musculature adéquate que Baptiste Pagani donne à nombre de ses personnages un aspect quelque peu androgyne ? On a du mal à différencier femmes et hommes. Mais la mise en images, avec la dynamique des combats séduit l’œil d’autant que le choix des teintes est judicieux.
Un album qui retient l’attention pour son cadre peu commun, pour son décor qui semble emprunter beaucoup à celui de l’Inde, pour la suite tonique de coups de théâtre, d’actions, le tout épaulé par un graphisme intéressant.
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serge perraud
Baptiste Pagani (scénario, dessin et couleurs), Les Lames d’Ashura, Ankama, “Label 619″, janvier 2021, 168 p. – 18,90 €.