Paul Fournel adore les histoires tordues. Et sa dernière héroïne ne risque pas de les redresser.
La charmante et charmeuse est une romancière choyée par son éditeur qui à ce titre — mais pas seulement — est l’homme le plus important.
Mais comme dans beaucoup d’ histoires d’amour, et quelle qu’en soit la nature, elle est sur le point de le trahir ; si elle était un mâle ce serait vite expédié. La femme — attentive — se souvient toutefois de tous les moments où son désir d’écrire a grandi avec elle : qu’elle fut petite fille turbulente, jeune amoureuse cinéphile, étudiante maladroite, femme sinon accomplie du moins pressée.
En tout état de compte, elle a réalisé son rêve : elle est publiée et en conséquence sa vie a bien changé. Mais le monde de l’édition aussi, si bien que le désir d’écrire et de publier s’avère de plus en plus frustrant dans un milieu fantasmé et décevant.
En outre, ce roman permet à Fournel non seulement de remettre des montres à l’heure mais de faire revivre des personnages déjà de La liseuse et Jason Murphy (P.O.L, 2012 et 2013). Il devient le dernier pilier d’un triptyque d’amour et d’édition entrepris par l’auteur.
Et ce, au moment où écrire et éditer change de support comme le premier volume du triptyque l’annonçait. Publier un texte ce n’est plus tout à fait créer un objet, le lire devient regarder son film par écran interposé.
Ce texte est écrit — et par transposition du masculin au féminin — sur des éléments personnels mais aussi à partir d’éléments inventés pour les besoins de la situation. La Geneviève de l’auteur n’est pas inspirée d’une personne en particulier, mais de de plusieurs.
Quant à Dubois l’éditeur éconduit, il est en grande partie Fournel, lui-même éditeur, mais reste un personnage composé.
Nous ne pouvons savoir si l’auteur a été réellement confronté à ce qu’il décrit dans votre livre. Mais finalement son livre propose une réflexion personnelle sur le sujet de l’écriture et de l’édition, son “utilitarisme” et ses utilisations pour chaque partie prenante.
Reste à savoir ce que vont devenir les personnages mais tout autant leurs métiers respectifs. Pour une grande part pourtant, tout risque de continuer à l’identique, Dubois déjeunera avec ses auteurs — qui ne l’ont pas encore trahi — et va aider d’autres Geneviève à poursuivre leurs rêves et ambitions.
Le tout avec son humour mais un regard plus désabusé face à un monde qui vire jusqu’à parfois déraper.
jean-paul gavard-perret
Paul Fournel, Jeune-Vieille, P.O.L editions, Paris, avril 2021, 176 p. — 17,00 €.