Valérie Lemaire & Olivier Neuray, Les cinq de Cambridge — Intégrale

L’his­toire vraie du plus incroyable réseau d’espions

Préala­ble­ment publiées en trois tomes entre juin 2015 et février 2018, les édi­tions Cas­ter­man réunissent ces aven­tures en une inté­grale pré­fa­cée par Ser­gio Bian­cato, un socio­logue de l’université de Naples.
Celui-ci traite de l’espionnage le plus effi­cace, celui de l’ombre, sans exploits spec­ta­cu­laires à la James Bond.

En Ecosse, en 1979, John Mac Donald se recueille sur la tombe d’Edward Maguire, son oncle, avec Youri et Kolia. Pour en savoir plus sur les racines du drame ayant entraîné la mort d’Edward, John et Kolia ont pu avoir rendez-vous avec Anthony Blunt. Bien qu’ayant été démas­qué comme espion, celui-ci béné­fi­cie d’une immu­nité judi­ciaire. Il entre­prend de leur racon­ter l’histoire dont il a fait par­tie, celle de ces cinq espions, de ces cinq étu­diants qui ont fourni à l’URSS de Sta­line, ren­sei­gne­ments et infor­ma­tions pré­cieuses pen­dant plus de trente ans.
Au len­de­main de la crise de 1929, c’est la misère qui frappe les classes sociales des plus fra­giles. Harold Philby prend conscience de la situa­tion en étant soi­gné, après un acci­dent de moto, dans un quar­tier pauvre d’une de ces villes du nord de l’Angleterre, dans le Pays noir. Bou­le­versé par ce qu’il a entrevu, il veut faire chan­ger les choses. Alors qu’il essaie de convaincre le pro­fes­seur d’économie pour inté­grer son cours, ils sont rejoints par Guy Bur­gess, un pique-assiette atta­chant, très atta­chant. Ce der­nier l’invite à venir écou­ter un pro­fes­seur qui a adhéré au parti com­mu­niste. C’est le début d’un enga­ge­ment dans lequel ils vont entraî­ner d’autres étu­diants séduits par cet idéal…

Tout à fait authen­tique cette his­toire semble extra­or­di­naire. Com­ment ima­gi­ner que cinq jeunes indi­vi­dus issus des classes pri­vi­lé­giées de la vieille Angle­terre ont pu pen­dant des dizaines d’années trom­per leur monde et ser­vir un régime tel que celui de Sta­line ? Bou­le­ver­sés par la misère, ils ont cru en un régime fal­la­cieux, une légende entre­te­nue par des irres­pon­sables qui ne voyaient que ce qu’ils vou­laient voir de la situa­tion en URSS, ce “para­dis” sur Terre.
Valé­rie Lemaire s’attache à retrans­crire le par­cours de ces cinq hommes, détaillant leur évo­lu­tion per­son­nelle et pro­fes­sion­nelle, les liens avec les membres des struc­tures qui les employaient, que ce soient les ser­vices de ren­sei­gne­ments, l’univers diplo­ma­tique… Elle res­ti­tue avec minu­tie, avec humour par­fois par des dia­logues enle­vés et savou­reux, cette for­mi­dable épo­pée. Ils étaient si bien infil­trés que l’un d’eux fut même ano­bli. Elle n’occulte pas l’homosexualité de cer­tains et les consé­quences dans cette Angle­terre puritaine.

Le gra­phisme se par­tage entre Oli­vier Neu­ray pour la mise en page, le des­sin et Domi­nique Osuch pour la mise en cou­leurs. Par un des­sin très réa­liste, tout en finesse et en élé­gance, Oli­vier Neu­ray s’attache à don­ner à cette impro­bable his­toire une visua­lité remar­quable. Sa capa­cité à trai­ter des por­traits stables tout au fil des pages rend l’identification des nom­breux pro­ta­go­nistes et la lec­ture plus faciles. Si les per­son­nages sont attrayants, les décors sont superbes. Il soigne les détails, met en avant des points pré­cis qui aident gran­de­ment à s’imprégner de l’atmosphère de cette époque. On retrouve un réa­lisme qui rap­pelle celui d’un des plus grands maîtres de la bande des­si­née, Jacobs.
La cou­leur de Domi­nique Osuch est tout à fait en har­mo­nie avec le des­sin. Il uti­lise des tons neutres, des teintes par­fois ternes comme l’étaient, et comme le sont encore, les cos­tumes des hommes, des cou­leurs sans grande fan­tai­sie mais qui font mer­veille sur les pré­sentes pages.

Avec cette rela­tion au plus près de l’histoire, Valé­rie Lemaire signe un scé­na­rio très attrac­tif pour racon­ter le par­cours des membres de ce réseau qui a su res­ter actif pen­dant plus de trente ans.

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serge per­raud

Valé­rie Lemaire (scé­na­rio), Oli­vier Neu­ray (des­sin) & Domi­nique Osuch (cou­leur), Les cinq de Cam­bridge – Inté­grale, Cas­ter­man, février 2021, 152 p. – 29,00 €.

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