Pour son premier roman policier, Emily Koch imagine le huis clos ultime, l’enfermement total, celui d’un individu prisonnier de son corps, absolument incapable de faire un mouvement. S’il entrouvre parfois les paupières, c’est absolument involontaire. Et pourtant, dans ce corps inerte, tenu en vie par une myriade d’appareils médicaux, le cerveau fonctionne parfaitement.
Cependant, Alex, un grimpeur expérimenté, ne se souvient pas des circonstances de son accident.
Bea part en randonnée un peu fâchée alors qu’Alex, féru d’escalade, va satisfaire sa passion. Il repense à cette lettre, mais ce n’était pas le moment de lui en parler.
Mais, la vie d’Alex s’est arrêtée peu après avoir fêté ses vingt-sept ans. Depuis presque deux ans, il est cloué sur un lit d’hôpital dans un coma avancé, dans un état végétatif. Or, si son corps est totalement inerte, si les médecins ne détectent rien lors des IRM, son cerveau est toujours actif. Si les premiers mois il a tenté de se démener pour montrer sa vitalité mentale, face à l’échec il a arrêté et souhaité la mort.
C’est Eleanor, son équipière d’escalade qui, après lui avoir avoué être amoureuse de lui, a évoqué les conditions de sa chute, la grossière erreur qu’il aurait faite… Et le doute s’installe. Il va alors guetter, analyser tout ce qui se dit autour de lui pour nourrir son sentiment : et s’il n’était pas tombé, si on l’avait poussé…
Tout le roman passe par ce personnage, ce qu’il entend autour de lui, le souvenir des étapes de son existence. Il capte tout ce qui s’échange pendant les visites dans sa chambre, que ce soit les données médicales, les conversations ou les monologues de ses proches. Il revit des scènes personnelles, sentimentales, professionnelles. Tout cela forme un tissu d’impressions, un cheminement de pensées. Bien sûr, il y a des visites qui apportent plus de plaisir que d’autres. Outre le personnel médical qui l’entoure, les visites extérieures sont essentiellement celles de Béa, de son père, de Philippa sa sœur, de Rose l’amie de Béa, Tom…
Au fil des conversations qu’il entend, des échanges entre différentes personnes, il va reconstituer le cours des événements de sa dernière journée debout. Il va se faire une opinion et prendre conscience de faits. Et c’est l’angoisse lorsqu’il comprend la menace qui pèse, il en est persuadé, sur ses proches, en particulier sur Béa.
Outre l’aspect policier, l’interrogation quant à sa chute, Emily Koch décrit avec une remarquable justesse la situation d’un patient totalement dépendant, incapable de modifier une posture inconfortable, de faire comprendre ses maux. Une situation qui a été vécue par l’auteure, ce qu’elle appelle l’effet M. Renault Laguna du nom du modèle du véhicule qui l’a envoyé pour plusieurs mois en soins intensifs.
Ce roman interpelle tant pour une intrigue fort bien construite, ce qui n’était pas évident compte tenu du sujet, une intrigue qui vous accroche pour savoir comment Alex va pouvoir… que pour la situation de ces personnes plongées dans un état végétatif dont il est difficile de pénétrer l’existence.
serge perraud
Emily Koch, Il était une fois mon meurtre (If I die Before I Wake), traduit de l’anglais par Éric Moreau, Folio, coll. “Thriller” n° 927, février 2021, 432 p. – 9,20 €.