Jean-Christophe Portes, Intouchable

Palpi­tant et machiavélique !

Anne Leclerc retrouve Michel, son mari dont elle est sépa­rée depuis quelques années, pour aller à la mater­nité où Clara, leur fille, vient d’accoucher. Leur sépa­ra­tion est la consé­quence d’un drame vécu il y a dix ans, la mort de Manon, leur fille aînée. Anne n’a jamais sur­monté cette épreuve, se repro­chant de n’avoir pas su pro­té­ger sa fille pré­fé­rée. Celle-ci a été retrou­vée sans vie sur une plage de Royan. Quelques jours avant, elle avait télé­phoné à Anne, un appel au secours qu’elle n’avait pas su com­prendre. Manon avait peur de l’homme avec qui elle par­ta­geait sa vie d’interne, le doc­teur Simon Bon­namy. Anne est per­sua­dée qu’elle a été assas­si­née par lui. Elle a tenté de réunir des preuves, des faits, en vain…
Et c’est en res­sor­tant de la chambre de Clara qu‘Anne voit, en tenue de tra­vail, dis­cu­tant avec des infir­mières, cet homme. Le choc est ter­rible car elle sait que cet assas­sin conti­nue de tuer en toute impunité…

L’auteur revient sur le passé, sur les cir­cons­tances de la tra­gé­die, sur la plaie béante que repré­sente cette mort, sur cette culpa­bi­lité et cette avi­dité de ven­geance, de ven­ger les souf­frances infli­gées à sa fille. Il décrit les moments de la décou­verte, le refus de la situa­tion, les contacts avec les poli­ciers qui pensent au sui­cide car, au moment où Manon décé­dait, Bon­namy était à Paris, à un congrès de méde­cins.
C’est la traque des indices, la recherche de preuves, les impasses, les fausses pistes, les obs­tacles que ren­contrent tant Anne que les enquê­teurs. Paral­lè­le­ment, le roman­cier glisse, dans cette quête, quelques para­graphes où l’assassin pré­sumé s’exprime sans qu’il soit pos­sible de savoir avec cer­ti­tude la vérité. Puis, peu à peu, le roman­cier mêle des récits, ceux de témoins, d’acteurs, ceux qui côtoient Anne, le point de vue de l’assassin.

Jean-Christophe Portes exprime de façon si réelle, si tan­gible, les tour­ments, les frus­tra­tions de l’héroïne quand elle voit que celui qu’elle sait vis­cé­ra­le­ment cou­pable s’en sort. Ce sont aussi les frus­tra­tions de ceux qui consti­tuent et gèrent les dos­siers, les poli­ciers, la juge d’instruction devant le manque de preuves, de la preuve irré­fu­table.
Pour ani­mer cette intrigue ins­pi­rée par des faits réels s’étant dérou­lés en Grande-Bretagne, aux USA, voire en France, l’auteur ima­gine une belle équipe de pro­ta­go­nistes, que ce soit cette héroïne fan­tas­tique, cette mère incon­so­lable – mais peut-on se conso­ler de la perte d’un enfant sur­tout dans de telles cir­cons­tances ?– sa famille qu’elle délaisse entiè­re­ment tour­née vers sa volonté de faire arrê­ter cet assas­sin, d’empêcher d’autres crimes.

Il tient compte aussi de l’environnement, de ce qui se passe dans ce type d’affaire, l’emballement média­tique, les péro­rai­sons de ces experts et chro­ni­queurs de ser­vice, du député qui, pour sor­tir de l’anonymat, veut pro­po­ser une nou­velle loi alors qu’il y en a tant qui ne sont pas mises en musique. C’est cou­rant de le dire, de l’écrire, mais ce livre est addic­tif et on a du mal à s’arrêter de lire.
Si Jean-Christophe Portes mène avec talent des enquêtes his­to­riques sous la Révo­lu­tion fran­çaise, il excelle dans le roman poli­cier contem­po­rain. Son pre­mier essai dans le genre, Minuit dans le jar­din du Manoir (Le Masque, 2020) était très réussi. Avec Intou­chable, il s’installe dans la caté­go­rie des roman­ciers qui comptent dans le genre.

Un magni­fique roman au final éblouis­sant, une intrigue à la construc­tion impa­rable où chaque par­celle d’éléments trouve sa place.

serge per­raud

Jean-Christophe Portes, Intou­chable, City édi­tions, février 2021, 256 p. – 18,50 €.

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