Une intrigue policière délicieuse dans le monde de l’édition
Un manuscrit a décrit fidèlement des meurtres avant que ceux-ci arrivent. Antoine Laurain conjugue une intrigue policière avec le travail mené dans l’univers de l’édition. Il s’appuie, pour ce faire, sur le service qui reçoit et traite les manuscrits. Il retrace le parcours de ces futurs livres et les diverses tâches effectuées par les lecteurs, les éditeurs.
Virevoltant, multipliant les apartés, il raconte avec bonheur le quotidien de ceux qui suivent le travail des auteurs. Et ces derniers sont très nombreux.Des sondages estiment que deux millions de Français rêvent d’être publiés. Il y a ceux qui ont un livre dans la tête mais qu’ils n’écriront jamais…
Le romancier détaille la vie de ceux qui sautent le pas, le temps passé à traquer les idées, à noter celles qui surgissent au mauvais moment, les nuits écourtées pour écrire.
Puis, c’est la mise en page, la reliure, les envois… de ce qui va être le succès de la décennie.
Violaine Lepage voit dans sa chambre tout un aéropage de romanciers, de Marcel Proust à Georges Perec en passant par Virginia Woolf. Elle sort du coma après un accident d’avion.
Violaine est une des plus célèbres éditrices de Paris. Elle gère, de main de maître, le service des manuscrits ou travaillent Marie, la plus jeune, Stéphane, le plus ancien, et Murielle, ancienne correctrice. Béatrice, à soixante-quinze ans, travaille chez elle. Elle est aveugle.
C’est Marie qui la première lit le manuscrit Les Fleurs de sucre de Camille Desencres, arrivé avec une simple adresse de courriel sur la page de couverture. Les rares contacts de Violaine avec l’auteur se font par ce mode de communication. Le contrat d’édition, envoyé à Londres, revient signé mais l’auteur reste farouchement anonyme.
Le livre est un succès et il se retrouve sur la liste des ouvrages susceptibles d’être primés. Mais un Prix où l’auteur est absent est inconcevable !
L’accident d’avion a blessé gravement Violaine tant physiquement et psychiquement. Outre une jambe bien abimée, elle a oublié une part de sa vie d’avant, qu’elle fumait…
Sophie Tanche, Lieutenante de police en Normandie, se présente pour voir Violaine. Elle a lu Les Fleurs de sucre et elle a eu à gérer, il y a un an, une affaire en tout point semblable à la description des deux premiers crimes relatés dans le livre. Elle veut rencontrer l’auteur…
Antoine Laurain livre nombre d’annotations sur des situations du quotidien avec un regard amusé, amusant. C’est drôle, pétillant et facétieux. Il évoque ainsi l’importance de la Lulibérine, le coup de foudre d’Édouard pour Violaine quand il est venu pour décorer le service des manuscrits. La peur panique du voyage en avion est si bien décrite qu’on peut penser à du vécu. Il relate le parcours de Violaine, ses rapports avec ses employés, les auteurs, Charles, son patron, le dernier rejeton d’une longue lignée d’éditeurs.
Il parle de la manière d’annoncer un décès à des proches, s’étonne que la mort efface tous les défauts des défunts pour ne plus retenir que les qualités tant pour les victimes de meurtres que pour les criminels.
L’auteur conçoit ainsi une superbe galerie de personnages finement étudiés, avec leur spécificité et leur tempérament. Mais ces réflexions n’occultent pas l’intrigue subtile, jouant avec des capacités du cerveau, avec des indications à double sens et des actes terribles du passé.
Le service des manuscrits se lit avec avidité tant il est passionnant, qui mêle avec brio humour et drame, qui donne le côté jardin de l’édition.
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serge perraud
Antoine Laurain, Le service des manuscrits, J’Ai Lu, n° 13 101, janvier 2021, 224 p. – 7,10 €.