Eric Fottorino, Marina A.

Réponse au non humain : Marina Abra­mo­vic par Eric Fottorino

Le nar­ra­teur — le doc­teur Paul Gachet — emmène épouse et sa fille décou­vrir Flo­rence. Il veut leur faire connaître les Bot­ti­celli et l’art puis­sant et apai­sant des maîtres ita­liens.
Mais très vite l’objectif change par la pré­sence de la per­for­meuse serbe, Marina Abramovic.

Et l’artiste bou­le­verse tous les repères artis­tiques du nar­ra­teur. Elle s’impose à lui et il cherche à en savoir plus sur celle qui offre son corps à la souf­france et le met en dan­ger pour atteindre une huma­nité sourde ou défaillante.
Le chirurgien-orthopédiste est d’abord plus que gêné par les muti­la­tions de l’artiste qu’il ne com­prend pas. Mais un tel tra­vail crée mal­gré tout une emprise sur lui et le fascine.

Il com­prend que ce qu’il esti­mait une vio­lence gra­tuite cache une para­doxale recherche d’empathie de Marina Abra­mo­vic envers les autres  dont son propre com­pa­gnon Ulay. Elle l’enlace jusqu’à l’étouffer avant de nouer sa che­ve­lure à la sienne ou d’exposer son cœur à la flèche de son arc non sans risque. Il suf­fi­rait qu’il lâche la corde ten­due et Marina serait tuée.

Deux ans après cette pré­sence pre­mière, le nar­ra­teur trouve for­tui­te­ment une photo ancienne de Marina A. et d’Ulay : “L’impossible rap­pro­che­ment”. Elle repré­sente deux êtres qui veulent se tou­cher mais en sont empê­chés et sont contraints de res­ter à dis­tance. Et au moment où le Covid s’empare du monde, le doc­teur estime que l’art de Marina était une forme d’alerte dont il sai­sit l’importance.
Il y voit une inci­ta­tion à pro­té­ger l’autre, à refon­der nos socié­tés sur ces deux petits mots : « après vous ».

Le nar­ra­teur per­çoit aussi un signe de vie dans des per­for­mances qui ne font pas du regar­deur un simple spec­ta­teur. L’argument des oeuvres reste de cher­cher et pré­ser­ver l’existence par l’attention à l’autre qu’elles mettent en scène.
C’est une manière humaine de faire face au grand réel. Les gestes de l’artiste lui répondent dans une forme ris­quée pour lui don­ner une contre partie.

Une telle oeuvre parie avec audace sur une argu­men­ta­tion de ce qui peut être. Ce que nous pou­vons sai­sir de l’artiste le façonne.
Et le roman de Fot­to­rino devient le lieu de puis­sance de ces propitiations.

feuille­ter l livre

jean-paul gavard-perret

Eric Fot­to­rino, Marina A., Gal­li­mard, col­lec­tion Blanche, jan­vier 2021, 176 p. — 16, 00 €.

1 Comment

Filed under Romans

One Response to Eric Fottorino, Marina A.

  1. Villeneuve

    Marina vaut bien Sainte Thé­rèse d’Avila . Vous avez dit ” pro­pi­tia­tions ” ? Faut soi­gner ! L’arsenal médi­cal est un argu­ment plus effi­cace que l’art mor­ti­fère Fot­to­rino et Polo donnent avec des mots quelques gran­deurs à la déca­dence des per­for­mances de madame A .

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>