Isoler le factice
Depuis plus de quarante ans, Jean-François Dalle-Rive poursuit son chemin avec des séries qui sont toujours des suites d’oeuvres in progress.
En conséquence, elles traversent le temps pour le retenir avec un regard humain et attentif sur des thèmes rémanents sur les êtres et leurs cérémonies païennes : de la foire de Beaucroissant à la recherche du père Noël dans les centres commerciaux comme dans sa propre histoire de la Biennale de Lyon et les jardins de Claudel à Brangues.
Chimiste de formation, puis élève de la seconde promotion de l’école de la photographie d’Arles, l’artiste fait preuve à la fois d’un niveau d’exigence technique rare et d’ “un regard” — sans celui-ci la technicité ne peut pas grand chose.
Et c’est ce qui différencie le travail artisanal et artistique.
Jean-François Dalle-Rive n’accepte ni la perte, ni l’oubli. Obsessionnel jusque qu’avec ses boîtes de classement, il devient l’archiviste de sa propre quête où, au besoin, le sens du cadrage permet d’isoler le factice au service d’un “vrai” en voie de disparition.
Conservateur du temps, il ne l’est pas dans ses prises. Il refuse toute “pose” et s’il pratique une forme de photo “volée”, c’est dans un sens particulier et respectueux.
Car même s’il demande le droit de photographier, il s’oblige à ne pas publier la moindre photo où les personnes seraient identifiables. Il attend parfois vingt ans.
Si bien que celles ou ceux qui se reconnaissent retrouvent là des émotions particulières : un commerce ambulant qui s’est revu, enfant à la Foire de Beaucroissant 20 ans plus tôt a offert au photographe quatre paires de chaussettes en fil d’Ecosse…
jean-paul gavard-perret
Jean-François Dalle-Rive, Loisirs populaires, Galerie AlterArt, Grenoble, du 11 février au 14 mars 2021.