Romina De Novellis, Si tu m’aimes, protège moi

L’ave­nir est dans les oeufs

La per­for­meuse et plas­ti­cienne napo­li­taine Romina De Novel­lis étend ici son domaine de la lutte afin de dénon­cer les rap­ports d’oppression et ana­ly­ser les dicho­to­mies dis­cu­tables : nature/humanité, féminins/masculins, nord/sud, scientifique/intuitif, pouvoirs/corps, establishment/cultures. Les cultures de la Médi­ter­ra­née sont au centre de son tra­vail.
Et ici, par mais aussi au-delà des théo­ries éco­fé­mi­nistes, la mise en relief de la réap­pro­pria­tion du pôle fémi­nin afin de ques­tion­ner les modèles dominants.

Cette nou­velle per­for­mance est issue des cultures pay­sannes du sud de l’Italie. Pour les pro­té­ger du bruit, les femmes y cou­vraient soi­gneu­se­ment les oreilles des poules qu’elles met­taient sur leur genoux avant de pra­ti­quer tout geste violent qui aurait pu les cho­quer et cau­ser leur sté­ri­lité. Aujourd’hui, dans les abat­toirs d’élevage indus­triel des mil­lions de volailles sont expo­sées à des méthodes d’étourdissement par des bains d’eau électrifiée.

Souvent, Romina De Novel­lis pose un regard cri­tique envers toute forme de rituel. Entre autres, les fêtes popu­laires des céré­mo­nies reli­gieuses encagent ou asser­vissent la femme dans une posi­tion secon­daire et de sou­mis­sion. Mais la créa­trice sait en paral­lèle rete­nir  — comme Marina Abra­mo­vic — les moments de soin intime de prise en charge de l’autre.
Le fémi­nin très vite peut — plus que dans la sphère sociale — s’y affir­mer et mon­trer une autre façon de se rap­pro­cher de la nature, de l’animal et de l’autre. « Les femmes font les enfants et les morts, mais elles font aussi les ani­maux » écrit Anto­nio Cafo­rella. Elles per­mettent ainsi une autre vision des  usages sociaux du corps.

Avec Si tu m’aimes, protège-moi, Romina De Novel­lis trans­forme l’espace de la gale­rie dans laquelle elle va repro­duire les gestes de pro­tec­tion de l’animal pour sou­li­gner com­bien le fameux “care” devient une vision de la vie et du res­pect du corps des humains et des ani­maux aussi bien dans la vie que dans la mort.
C’est une invi­ta­tion à envi­sa­ger le fémi­nisme comme voie de sor­tie à la logique pro­duc­ti­viste et consumériste.

Preuve que la per­for­mance, en créant l’émergence de quelque chose de nou­veau, ne détruit pas for­cé­ment les conteurs. Cet art pro­pose une frange où la culture “ancienne” per­siste non par conser­va­tisme rin­gard mais comme néces­saire évo­lu­tion. Il remet en lumière des actes  qu’on croyait dis­pa­rus.
Cet art par­ti­cu­lier est là — en res­tant dans une expé­ri­men­ta­tion “simple” — pour faire glis­ser d’une “image” réi­fiée à une autre, au  stade au-dessus.

jean-paul gavard-perret

Romina De Novel­lis, Si tu m’aimes, pro­tège moi, Per­for­mance et vidéo-Projection, Gale­rie Alberta Pane, Paris (47 Rue de Mont­mo­rency, 75003) et Venise, 22 jan­vier au 6 février 2021.

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Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Echos d'Italie / Echi dell'Italia

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