lelitteraire.com propose de manière inédite à ses lecteurs ayant apprécié les billets “en marge” de Didier Ayres de découvrir chaque semaine une partie de son oeuvre théâtrale, H.P (Scènes de désespoir et de miracles)
avant-propos de l’auteur :
H.P. porte un regard sur l’institution psychiatrique. En 12 scènes on y retrouve l’essentiel des vrais moments d’un asile, des séquences véridiques de ce lieu de surveillance : les infirmiers, les patients, les thérapeutes, les familles, l’heure du thé dans l’après-midi, la nuit avec ou sans sommeil, la contention, les conversations entre les asilaires, etc. Ce qui ressort de cette plongée en milieu hospitalier, c’est la souffrance de tous et de chacun, douleur qui s’exprime soit par l’angoisse, soit par le rire.
C’est ce destin d’une communauté de vivants — comparables à des détenus — qui m’a poussé à imaginer cette pièce. La tension dramatique, tension d’êtres humains bousculés comme en une nef des fous, pour moi a fait théâtre (plus à mes yeux que la célébration d’un office religieux). Ce qui est sacré ici, c’est cette focale sur le fond de l’être. Ainsi, « le monde est un théâtre ».
didier ayres
lire la scène 7
Scène 8 :
Tu danses ?
Un paso-doble.
Une valse.
Un jerk.
C’est la fête, c’est ça ?
On fête quoi ?
Une année de 150 ans, dans l’incertitude.
Alors, il faut être heureux.
Il faut être soi-même.
C’est quoi ce psychodrame ?
Tu es nouveau ?
Moi je suis là depuis 85.
Danse, oui, danse.
…
Et toi ?
Moi, je fais un tricot pour ma mère, une vareuse.
Je remets la musique ?
Oui. On danse.
Je m’en vais, je n’en peux plus.
…
Il faut être nature. Cela ne se soigne pas. On est simplement surveillé. On est surveillé et puni. On est là pour guérir. Et pour guérir, il faut que l’on nous surveille. Tu peux avoir confiance, ils pensent à toi.
Venez, mademoiselle Héloïse. Venez dans ce cercle. Faites quelque chose. Dites quelque chose.
On nous surveille ?
Mon père, c’est la maison. Très bien. La maison. On dort bien à la maison. L’Etoile du Berger. Il faut réfléchir. C’est un professeur de langues ? Il réfléchit. Professeur de langues orientales.
Elle va ?
Quand ?
Tu as un ego.
C’est quoi ? Il faut demander.
{ à suivre }