crédit photographie Karim C.
Une minutieuse dissection de l’attente
Un quiproquo donne l’occasion à une conversation de s’engager entre deux personnes dans un square. Quoi de plus banal ? Dans ce lieu propice à la réflexion, où l’on vaque en portant aux autres une attention flottante, où les rencontres n’engagent à rien, le dialogue se développe autour de questions initialement anodines. On ne sait pas à qui on a affaire, alors on mène l’enquête avec réserve.
Puis, comme les partenaires se prêtent au jeu et semblent y prendre goût, les interrogations de plus en plus personnelles, intimes, pertinentes conduisent à des confidences. C’est parfois tellement plus simple de dire ce qui anime vraiment et ce qui pèse dans l’espace d’une rencontre éphémère. On se rapproche et s’oppose sans savoir exactement sur quoi. Est-ce qu’on cherche le changement ou la permanence ? Et dans quel domaine de sa vie ?
Plus on parle, plus on s’expose, plus on se révèle, plus on se distingue, plus on se reconnaît. Les échanges s’aventurent dans une illustration caricaturale ou ironique de la différence des sexes, se hasardent à une dissection de l’attente. Des accents parfois pathétiques s’expriment au moment où chacun en vient à dire ses faiblesses constitutives et ouvre sans prétention, comme avec contrition, une confession qu’on sent inédite.
Un texte attachant qui, à travers des banalités, dit des choses essentielles. Des tournures métaphysiques, mais sur un ton qui reste léger. Des répliques ténues, mais qui se tissent comme inopinément, de façon déliée et plaisante. Des moments d’espoir, des temps de découragement, une humanité sensible, saisie au fil de ses formulations fragiles, teintées du conflit entre illusion et réalité.
Peu à peu s’esquisse le rapprochement entre les deux êtres : leur retenue, leur écoute, leur attention confine à l’attachement. L’auteure s’amuse à approcher les parages de l’intrigue amoureuse sans y verser.
Une adaptation performante, le jeu subtil et impliqué des deux comédiens contribuent à cet incontestable succès.
christophe giolito & manon pouliot
Le square
de Marguerite Duras
Adaptation et mise en scène Bertrand Marcos
Avec Dominique Pinon et Mélanie Bernier
Lumières Patrick Clitus ; scénographie Jean Haas ; costumes Marion Xardel ; son Stéphanie Gibert ; production Antisthène ; coréalisation Théâtre Lucernaire.
Au théâtre Le Lucernaire 53, rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris
Durée du spectacle 1h15. Du 9 septembre au 8 novembre 2020.
Du mardi au samedi à 21h et le dimanche à 18h. (01 44 45 57 34)
http://www.lucernaire.fr/theatre/4069-le-square.html