Jean-Claude Bélégou, Les bucoliques

Paysages por­traits

Comme Claude-Levi Strauss qu’il cite, Jean-Claude Bélé­gou rap­pelle à tra­vers lui tout ce qui le pas­sionne lors de ses péré­gri­na­tions cham­pêtres : “C’est la forêt qui m’attire, je lui trouve les mêmes charmes que la mon­tagne, mais sous une forme plus pai­sible et plus accueillante.“
Bref, il y trouve son compte, s’apaise dans l’humidité confon­dante, la fraî­cheur et un cer­tain silence.

Le pho­to­graphe sai­sit des pay­sages ano­nymes, fami­liers, des frag­ments de nature, “ou de ce qui en tient lieu, car si la nature est ce qui naît, se déve­loppe et meurt spon­ta­né­ment, en dehors de l’intervention, même loin­taine de l’homme, il faut admettre qu’elle n’existe plus à l’état pur depuis très long­temps.” pré­cise l’artiste.

Parcou­rant sa région, il y découvre de quoi satis­faire son regard et sa psy­ché là où le monde exté­rieur se réduit à quelques mètres car­rés. Il y a là une absence volon­taire d’horizon et juste ça et là quelques arpents de ciel bleu. Il ne s’agit pas d’oeuvrer pour une éco­lo­gie ni de res­sas­ser un néo-romantisme fores­tier.
Mais demeure, “juste” comme il le pré­cise, “le plai­sir d’entrer dans la matière, de cadrer, décou­per, figer, com­po­ser, bref, jouer avec les formes, les ombres et la lumière”.

Jean-Claude Bélé­gou, lorsqu’il se fait pay­sa­ger, reste un por­trai­tiste. Seul le corps change de “nature”. Le pho­to­graphe va à la ren­contre des buis­sons, des ruis­seaux pour y retrou­ver soli­tude et liberté dans l’épreuve d’une chair qui demande seule­ment à être regar­dée à l’épreuve du temps et loin de la civi­li­sa­tion urbaine.
Tout ici tient de la fugue. De telles pro­me­nades appar­tiennent au monde d’un rêveur soli­taire et éveillé qui, lais­sant sa Madame de Warens dans son pres­by­tère, déserte à sa manière. Il se retrouve et se perd là où “faire des pay­sages ne consiste pas davan­tage à se pro­me­ner en atten­dant  la belle image que de faire des por­traits de nus en un simple  exer­cice de volupté.”

Dans ce but, Bélé­gou pro­voque la venue de la prise tout en l’attendant. Il sait ne rien brus­quer dans un long tra­vail conscient et incons­cient de matu­ra­tion au sein des herbes folles : des nuages de lumière sombre s’y posent dou­ce­ment là où tout erre sans fin au creux de l’oubli.

jean-paul gavard-perret

Jean-Claude Bélé­gou, Les buco­liques, 2020, site de l’artiste.

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