Auteure de l’intime, Madeline Roth ose le je sans pour autant tomber dans le pathos. La douleur est présente mais, l’écrivant, la créatrice la met à distance et espère parvenir à un grand livre de mémoire qui prolongerait ou remonterait son histoire sur plusieurs générations. Après avoir étudié les métiers du livre, elle est devenue libraire à L’Eau Vive à Avignon.
Après avoir publié des textes en revues (“Citrouille”, “Parole”), son premier roman — pour grands adolescents — a paru en 2014 et a été suivi par A ma source gardée, Mon père des montagnes et Tant que mon coeur bat.
Souvent, chez elle, les histoire d’amour finissent mal mais — avant comme pendant et après — elle sait exprimer la radicalité des sentiments.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La lumière. Mon fils. L’idée de déjeuner face à lui. L’idée de retrouver la librairie.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
J’ai toujours voulu être publiée, depuis petite. Donc ce sont des rêves qui existent maintenant. Je rêvais aussi d’une grande maison à la campagne avec une balançoire et une rivière. J’habite dans un appartement. Mais un jour, peut-être ?
A quoi avez-vous renoncé ?
C’est difficile comme question. Je ne sais pas si j’ai renoncé à quelque chose. Si, j’ai renoncé à avoir plusieurs enfants.
D’où venez-vous ?
De Grenoble. J’habite Avignon depuis vingt ans.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Rien du tout ! mais en héritage, beaucoup de choses. L’écriture, l’importance de la mémoire.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Fumer ?
Qu’est-ce qui vous distingue des autres écrivains ?
Je ne sais pas si je dis de moi que je suis écrivain. J’écris. Ce qui me distingue ? peut-être le je. L’intime. Je me raconte beaucoup. Je rêverais d’un texte très long, sur plusieurs générations par exemple, raconté à la troisième personne. Mais pour le moment je dis je.
Comment définiriez-vous votre approche des blessures du passé ?
Elles sont nécessaires pour écrire. Elles sont même parfois le moteur. On ne les guérit pas, mais on les raconte. Parfois on les transforme.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Une photographie d’Edouard Boubat d’un cerisier en fleurs, chez mes parents. J’ai longtemps cru que c’était un tableau. Il y a une femme sous le cerisier, qui accueille la pluie de fleurs. J’aime beaucoup les photographies de Boubat.
Et votre première lecture ?
Je me souviens très bien des livres que nous racontait ma mère. Ma première lecture seule, la première marquante en tout cas, c’est Un marronnier sous les étoiles, de Thierry Lenain. J’ai tellement aimé ce livre que je l’ai recopié en entier avec la machine à écrire de ma mère à l’époque.
Quelles musiques écoutez-vous ?
J’écoute peu de musique. J’aime le silence. Sinon, j’écoute principalement de la chanson française.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je relis peu le même livre en entier, mais il m’arrive souvent de relire des passages dans des livres que j’ai cornés. Des livres de Philippe Djian, Annie Ernaux, Marguerite Duras, Christian Bobin.
Quel film vous fait pleurer ?
“Sur la route de Madison” avec Clint Eastwood et Meryl Streep. Je pleure à chaque fois.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une femme de quarante ans à qui parfois vieillir fait peur. Et parfois non.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
J’ai longtemps hésité à écrire à Christian Bobin, pour le remercier, mais je ne l’ai jamais fait.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Un chalet en montagne qui est devenu le lieu de l’un de mes livres, Mon père des montagnes.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
C’est très prétentieux, mais Annie Ernaux ou Emmanuel Carrère. Des gens qui disent je.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Je ne sais pas ! un voyage peut-être ?
Que défendez-vous ?
La culture. Le féminisme.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Je ne suis pas sûre d’être d’accord. Dans l’amour, l’autre veut ce qu’on lui donne. Enfin je crois.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Je préfère celle-là ! J’adore Woody Allen.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Je cherche… Mes projets ? Un livre pour les grands, après quatre livres pour les adolescents.
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 30 août 2020.