A la fin des années 80 du siècle dernier, le photographe italien Fabio Ponzio s’est lancé dans un périple à travers les villes et villages de l’Europe centrale puis orientale et du Caucase afin de documenter les multiples visages des peuples de ces régions.
Ses photographies témoignent de la pauvreté endémique et de l’oppression généralisée des dernières années des régimes communistes. Mais surgissent autant la désolation qu’un certain espoir.
L’imagerie se veut ici résolument humaniste et rappelle des traditions de la foi profonde, comme celle de l’humilité et du courage, du sacrifice et de l’instinct de survie. Par exemple se découvre une voiture avec deux moutons sur la banquette arrière, mais la suggestion reste d’une fantaisie trompeuse.
La voiture est sans conducteur, l’un des animaux regarde vers la caméra et la route est vide. Nous sommes bien au milieu de nulle part ou presque.
Sous la résignation se perçoit parfois la présence d’une métaphysique. Elle tente d’ouvrir la croûte d’un matérialisme dont ceux qui sont présents ici ne bénéficient que de moindres miettes. La mort n’est jamais loin. Elle rôde.
Elle est même parfois présente là où un enfant tend la main vers un corps dans un cercueil ouvert.
Le deuil devient la seule parade et un mode de vie auxquels s’ajoute un culte de la mortification des pénitents guidés par une religion faite de dureté. Si bien qu’il ne reste pour tout espoir que la vodka.
Elle fait des pêcheurs des ivrognes, des gisants sur des trottoirs tandis que les femmes prient plus loin pour leur âme sinon morte du moins sonnée.
jean-paul gavard-perret
Fabio Ponzio, East of Nowhere, Préface de Herta Müller, Thames & Hudson, 2020, 156 p.