Carole Martinez présente en quelques lignes le projet de son roman : «Peu après la sortie de mon premier roman, Le cœur cousu, une lectrice m’a raconté une coutume espagnole dont j’ignorais l’existence : dans la sierra andalouse où étaient nées ses aïeules, quand une femme sentait la mort venir, elle brodait un coussin en forme de cœur qu’elle bourrait de bouts de papier sur lesquels étaient écrits ses secrets. À sa mort, sa fille aînée en héritait avec l’interdiction absolue de l’ouvrir.”
A partir de là, l’auteure a transformé cette lectrice en personnage de son roman. Sa Lola vit seule au-dessus du bureau de poste où elle travaille, elle se dit comblée par son jardin. “Dans son portefeuille, on ne trouve que des photos de ses fleurs et, dans sa chambre, trône une armoire de noces pleine des cœurs en tissu des femmes de sa lignée espagnole”.
Mais Lola, de fait, s’interroge : n’est-elle pas façonnée de l’histoire familiale que les cœurs cachés et d’une certaine manière interdits contiennent et dont elle-même ignore tout ?
La question majeure reste donc de savoir si chacun est “écrit” par celles et ceux qui le précèdent dans sa propre histoire déjà et presque jouée d’avance.
L’histoire de Lola semble en grande partie le souligner. Mais un doute subsiste.
C’est ce qui fait le sel de ce roman et de sa narration où les coeurs déchirés trouvent certains onguents.
feuilleter le livre
jean-paul gavard-perret
Carole Martinez, Les roses fauves, Gallimard, coll. Blanche, 2020 352 p. — 21,90 €.
Le titre donne l’eau de rose à la bouche