Bob Dylan, Rough and Rowdy Ways

Marier la réa­lité au mythe

A 79 ans, Dylan publie son 39ème album stu­dio avec un mor­ceau fétiche de 17 minutes (et dont il a le secret), Mur­der Most Foul. C’est là un exer­cice de name-dropping autour de l’assassinat de J. F. Ken­nedy.
Le titre est un suc­cès et l’artiste se retrouve en tête des ventes digi­tales “rock” aux USA.

Cet album est com­pa­rable aux autres : le song­wri­ter y pour­suit sa vie de trou­ba­dour et on lui saura tou­jours gré d’avoir remis à la mode la gui­tare consi­dé­rée avant les années 60 comme “nui­sible aux facul­tés et morales des artistes”.
C’est d’ailleurs ce qu’on repro­cha un siècle plus tôt à Saur qui ne dut sa sur­vie qu’à un sketch de Ray­mond Devos.

Parler de ce der­nier peut sem­bler incon­gru pour chro­ni­quer l’album de Dylan. Mais c’est pour sou­li­gner ce qui manque le plus à celui qui, auréolé de son nobel, honore le monde de ce nou­vel album.
En effet, Dylan aura tou­jours souf­fert d’une absence totale d’humour et c’est ce qui sans doute limite son oeuvre à un confi­ne­ment relatif.

Se refu­sant à tout absence de non-sens ou d’ironie, Dylan aura enfilé et façonne encore des perles de culture qui marient la réa­lité au mythe pour offrir une pho­to­gra­phie de l’Amérique et de l’existence via une tra­di­tion méta­phy­sique. Mais, avouons-le, ces plages non négli­geables res­tent cepen­dant d’un inté­rêt rela­tif.
Sans le réduire au trou­ba­dour des six­ties, à une relique du folk-rock ou comme il l’écrivit dans ses “Chro­niques” : un“phraseur des temps anciens, le chef d’Etat fic­tif d’un pays inconnu”, l’auteur — et pour le citer encore — n’aura pas subi “l’enfer sans fin de l’oubli culturel. »

Quoique demeu­rant un auteur certes impor­tant, son oeuvre manque mal­gré tout d’une cer­taine enver­gure par un effet de dis­tance. Tous ces albums res­tent des “corps” sans pro­messes ou peu.
Il y a certes des arpents de lumière mais ils ne se bous­culent pas.

Dylan prouve encore sa voca­tion à cer­tains com­bats et/ou rêves rivés à ses chan­sons. Il y a là par­fois de belles éli­sions mais aussi quelques défaillances.
Par­fois s’y déchire le temps, par­fois Dylan ne fait qu’y clouer des pierres.

jean-paul gavard-perret

Bob Dylan, Rough and Rowdy Ways, Colum­bia, 2020.

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