Ce premier volume de « La Saga des Cazalet », célèbre en Angleterre et qui ne tardera sans doute pas à l’être en France, est judicieusement accompagné d’une fiche recto/verso sur la famille et ses domestiques. Initialement surprise par cette initiative de l’éditeur, j’en ai compris l’utilité dès les trente premières pages du livre : l’auteure n’a tout bonnement pas le savoir-faire (le talent ?) nécessaire pour rendre ses personnages mémorables, qu’ils soient enfants ou adultes, à quelques rares exceptions près.
Parmi celles-ci, Miss Milliment, vieille fille pauvre qui vit de cours particuliers, est la plus réussie (complexe et touchante), ce qui rend paradoxalement la lecture d’autant plus frustrante : la demoiselle y apparaît trop rarement.
S’il est naturel que les Cazalet occupent plus de place dans le récit que leurs employés, leurs portraits sont étonnamment superficiels, les hommes étant caractérisés chacun par un trait de caractère prédominant ou par un traumatisme, tandis que les femmes le sont surtout par leur situation d’épouse (plus ou moins frustrante) ou de célibataire obligée de se sacrifier.
Dans le même ordre d’idées, chaque enfant a une particularité qui revient constamment dans le texte. Mais ces rappels n’aident pas à faire vivre ces personnages, d’un chapitre à l’autre, à défaut d’approfondissement qui puisse retenir notre attention.
L’intrigue, censée être captivante, oscille entre le privé et le public ; on se préoccupe de la situation politique internationale, en 1937, puis, l’été suivant, on se prépare à la guerre qui semble imminente, avant de se retrouver soulagé lorsqu’elle se trouve ajournée par les Accords de Munich.
Cet aspect du roman est plus intéressant que le privé, offrant des aperçus instructifs sur les points de vue que pouvaient avoir les Anglais concernant les événements internationaux. Mais ce n’est pas assez pour que le lecteur soit satisfait en refermant ce gros pavé beaucoup trop léger quant au contenu.
En somme, ce volume produit l’impression d’un canevas pour série télévisée, plus que d’une œuvre littéraire digne de ce nom.
Cela ne nous empêche pas d’augurer un public assez large pour la « saga », justement en raison de sa légèreté.
agathe de lastyns
Elizabeth Jane Howard, Etés anglais, traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff, La Table ronde, coll. Quai Voltaire, mars 2020, 560 p. – 24,00 €.