Netteté insupportable
L’ abstraction lorsqu’elle n’est qu’abstraction est indifférente à ce que les formes “font”.
Certes, celles-ci ont le mérite d’effacer certains composants devenus superfétatoire à l’image lorsqu’elle a l’ambition de créer un monde.
Mais l’abstraction quand elle n’est qu’abstraction n’opère aucune hiérarchisation de ce qui la compose et qu’elle produit.
Souvent, elle ouvre la profusion de sens possibles sans en choisir un.
Théodore Mann met fin à ce qui manifesterait une force qui échappe. Son oeuvre — et de plus en plus — impose la plus grande maîtrise avec le souci de nous faire nous échapper au coeur d’une illusion qui ne ferait qu’en remplacer une plus ancienne par une autre. La peinture “plate” de l’artiste — qui répond à ce qu’un des plus grands abstracteurs (Bram van Velde) disait : “ce que j’aime dans la peinture c’est que c’est plat”) — ne s’abîme pas dans la platitude, l’insignifiance.
Elle offre une netteté insupportable dans la série “noir essentiel”.
Celui-ci n’obture pas mais présentifie un grand dehors qui se nourrit de la mise en crise de l’harmonie formelle sans toutefois jamais la nier.
En ce sens, l’oeuvre de Théodore Mann est essentielle. Et l’artiste cherche sans cesse, en s’installant toujours plus loin.
C’est à la fois un fait et une volonté afin que nous connaissions le monde par contraste — ce qui donne à l’abstraction sa seule justification.
L’artiste pousse plus loin les conditions originaires de l’apparition en créant ce qui excède son langage.
Dans son oeuvre, le créateur préserve une connivence sensible avec le réel en lui donnant une présence autre. Elle se crée en avançant jusqu’où cette quête mène.
A savoir la question essentielle : qu’y a-t-il lorsqu’il n’y a pas d’image ?
jean-paul gavard-perret
Théodore Mann, Noir Essentiel, avant-première à la Galerie l’Antichambre, Chambéry, du 2 au 4 juillet 2020.
L’imagination explose à profusion lorsque l ‘image n’habite pas la toile .
Et c’est l’essentiel .