Ce livre impressionnant propose un apaisement, une chaleur suave et paradoxale puisqu’il est question d’un bonhomme de neige.
Il se distingue dans les lueurs de Londres et les lumières surgies d’une aube sans pour autant qu’elles soient comparables à ce que vit Rimbaud dans Les Illuminations. Mais Janet Frame s’en rapproche.
La Néo-zélandaise l’a écrit lors de son séjour d’intense création littéraire dans la capitale du Royaume-Uni. Cette longue nouvelle est à ce titre un cérémonial mystérieux, fascinant. Le corps est là et il échappe. Il est difficile parfois de ne pas penser à la mort.
Janet Frame ose l’improbable parce qu’elle pressent encore en elle un abîme qu’il faut toujours combler.
Celle qui — suite à un diagnostic infondé de schizophrénie — a échappé de peu à une lobotomie et qui fut sauvée par l’obtention de l’équivalent du prix Goncourt pour la Nouvelle Zélande trouve une vision à travers la neige translucide, étincelante, enflammée, qui reste éphémère : elle fond à l’instant même où l’on croit pouvoir s’en saisir suffisamment pour la retranscrire, en recueillir l’extase.
Le féminin s’impose dans la révélation de son existence, il s’épanouit dans le mystérieux flottement et l’oscillation délicate de l’au-delà et de l’en deçà, de la présence et de l’absence. L’auteure se venge des miroirs. Son écriture reste l’ecchymose de l’âme.
Peu à peu, elle retourne dans le beau pays de l’existence reconquise au moment où une présence s’efface.
Le bonhomme de neige permet de revenir à la sensation d’un manque lancinant, à l’aliénation du monde social. Une telle présence scelle dans l’humilité le sort d’être humain. Il rappelle que nous sommes le maillon provisoire entre des milliards d’éléments différents.
Nous devenons comme ce bonhomme de neige un mystère qui subsiste. Du moins pour un moment : celui de notre existence.
jean-paul gavard-perret
Janet Frame, Bonhomme de neige Bonhomme de neige, traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par Keren Chiaroni & Elisabteh Leterre, Editions des Femmes — AntoinetteFouque, mai 2020, 140 p. — 15,00 €.
Merci une critique très bien écrite et sensible je me suis procurée le livre je lirai cette nouvelle de façon
paisée