Activer la trique, faire avancer l’âne
Les aquarelles érotiques de Hans Schärer ont toutes été créées à la même époque que ses célèbres Madones. A savoir au début des années 1970. Coloriste et dessinateur génial l’artiste donne un aspect visionnaire à ses images d’éros qui “doublent” ses madones –l’inverse est vrai aussi — dans son processus créatif.
C’est comme les deux faces d’un disque de Jazz — du Duke ou du Thelonious Monk par exemple. Et quand le dédoublement ne suffit pas, l’artiste sut transformer des images qu’on ouvre ou qui s’ouvrent d’elles-mêmes pour que le corps d’une histoire — vieille comme le monde et tout aussi vitale — apparaisse.
L’oeuvre reste néanmoins et paradoxalement douce comme l’est sans doute la vie dans de tels moments de grâce. Plutôt que de singer les actes classiques, Hans Schärer crée des situations plus drôles ou énigmatiques. Ce qui ne gâche en rien le plaisir.
Les silhouettes mises en scène ont parfois entre leurs doigts un peu de plumes, un peu d’oiseau (rare), un peu de sang. Si bien que les hommes qui arrivent à leurs chevilles sont dans la réalité plutôt rares.
Des Méduses lunaires mais effrontées dictent, lascives, à la courbe de l’horizon de l’homme son parcours même si très vite il dévisse. Au sein de leurs métamorphoses, les images possèdent une manière implicite d’activer la trique pour faire avancer l’âne masculin.
Les femmes restent des variétés de fleurs qui — faute de guérir de tout dans leur chair - nichent le diable et ses obscures traînées de poudre.
Apparemment, nul accroc dans la soierie de telles sylphides mais qu’on ne s’y trompe pas : elles ouvrent à l’extase du vide.
Après tout, qu’importe si la fusion dans le réel n’est pas au rendez-vous. Restent ces fleurs nées de l’espace et leurs ondées de grâce.
Schärer les restitue en forçant le réel avec des pieds de biche plus que de cochon.
jean-paul gavard-perret
Hans Schärer, Les érotiques, Galerie Anton Meier, Genève, du 2 au 27 juin 2020.