Sous l’aspect fractal de son travail, l’artiste Barbara Gussoni reste pudique. Chaque nouvelle étape de l’œuvre n’a donc jamais pour but d’émoustiller le voyeur pour feindre de lui faire partager une intimité. La règle de “l’obscène” (dans le sens de ce qui normalement reste caché) est d’abord pour l’artiste le moyen de casser un “éthos” rigoriste dans lequel — malgré ce qu’on dit et ce qu’on nous montre — nous restons immergés.
C’est pourquoi ses créations jouent paradoxalement d’un effet de lointain mais aussi d’une avancée vers notre intériorisation et ce que nous pouvons éprouver face à ces images. Néanmoins, un tel travail ne viole pas l’intimité même si la créatrice prend l’initiative d’authentiques confidences. C’est l’enjeu d’une spécularité particulière contre la manière religieuse de consommer les images.
L’ “iconoclaste” trouve toujours les entrées radicales et brutes de décoffrage pour ouvrir le déchiffrement du monde.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’odeur du café
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils sont restés des rêves dans la maison rouge à coté du chemin de fer, où je vivais. Moi, je suis partie
A quoi avez-vous renoncé ?
A faire de l’argent
D’où venez-vous ?
D’un lieu entre la ville et la campagne. Dans le milieu d’une plaine.
Qu’avez-vous reçu en “dot” ?
Beaucoup d’amour
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Papoter avec mes copines sur la plage, quand on peut
Qu’est-ce qui vous distingue des autres photographes ?
Que je n’aime pas parler de photographie.
Quelle part la souffrance possède dans votre oeuvre ?
C’est la source de l’inspiration. L’oeuvre la transcende.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
La série “Orzowei” à la télé italienne : les images de l’Afrique, de la savane, les grands espaces sauvages…
Et votre première lecture ?
“Gesù di Nazareth”, pris du film de Franco Zeffirelli et écrit par Ettore Masina. J’aimais la couverture. Mais le livre était trop difficile à lire, je n’avais que 8 ans. Le film m’avait profondément touchée.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Un peu de tout.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je n’aime pas relire les livres, j’ai peur d’en être déçue.
Quel film vous fait pleurer ?
“Titanic”.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
L’autre.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A mon père.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
L’ Abyssinie.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Marguerite Duras, Arthur Rimbaud, Robert Franck, Patti Smith.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un voyage autour du monde.
Que défendez-vous ?
La liberté.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Une autre de ses formules : ’Il n’y a pas de rapport sexuel’. On ne se rencontre jamais pour de vrai.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
C’est drôle et dramatique. Et le coté drôle nous aide à faire avec le coté dramatique.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Madame ou mademoiselle? )))
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 3 juin 2020.
❤️ bravo
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