Laurence Boissier, Histoire d’un soulèvement

Les hauts et les bas

La nar­ra­trice de ce roman a pré­sumé de ses forces phy­siques. Et ces 9 jours de ran­don­née tournent à la galé­jade comme la leçon de choses (alpines). Son auteure,  artiste et écri­vaine, réci­dive ici dans le genre Safari (titre un de ses pré­cé­dents livres chez le même édi­teur).
Pour autant, l’héroïne  — qui est (enfin presque) l’auteure elle-même -  n’a jamais  été une accro de la mon­tagne et de la neige : “Mon mari a décou­vert la peau de phoque. Moi je n’ai rien décou­vert du tout. Sur l’Alpe, mon sta­tut équi­vaut à celui d’un ani­mal domes­tique.” Et l’auteure d’ajouter : “On me monte pour ne pas me lais­ser seule à la mai­son.” Mais ici elle en rajoute en s’inscrivant pour un périple douteux.

Tout va par monts et par vaux plus que par sauts et gam­bades. Par­fois, la nar­ra­trice en a pour son argent : “Nous avons parmi nous un pas­sionné de la flore alpine. Il nous explique la dif­fé­rence entre le sapin et l’épicéa. Quand les pives sont pen­dantes, ce sont des épi­céas. Quand les pives sont mon­tantes, ce sont des sapins”.
Mais ces belles consi­dé­ra­tions sont entra­vées par des tor­rents abra­sifs qui ont creusé de pro­fonds layons entre les troncs. “Nous déra­pons sur une pâte com­po­sée de graines noires, d’humus et d’eau.”

L’auteure tente de se rap­pe­ler des leçons de son père qui ado­rait la mon­tagne “mais les pon­cifs sont lettres mortes quand le corps ne répond plus ou mal”. D’autant que l’urbaine habi­tuée ” à la géo­mé­trie de nos villes et cam­pagnes” n’arrive plus à retrou­ver des repères.
La mon­tagne ouvre à un “concas­sage qui n’a laissé aucun tri­angle iso­cèle digne de ce nom, pas de séries, pas de lignes droites, rien de vrai­ment net.”

La sen­sa­tion du socle est sou­mis à divers sou­lè­ve­ments : celui des Alpes elles-mêmes sur lequel un guide avisé (enfin presque) revient. Celui des déra­ci­nés pro­vi­soires pen­dant cette neu­vaine.
Ils ont beau savoir d’où sort la mon­tagne : “Nous sommes allés à l’école, nous avons regardé la télé­vi­sion, écouté la radio, nous avons lu Geo”,  il arrive que l’auteure comme ses com­pagnes et com­pa­gnons deviennent blêmes et haves, leur sang stagne, les nez coulent.

Mais en fin de périple, il n’empêche, les enfants de l’auteure  pour­ront clai­ron­ner : “Maman a tra­versé les Alpes”.
Mais si elle a fait chu­ter des pierres, celles-ci le lui ont bien rendu.

lire les 20 pre­mières pages

jean-paul gavard-perret

Lau­rence Bois­sier, His­toire d’un sou­lè­ve­ment, roman, arté­fic­tion, coll. Shush Larry, Lau­sanne, 2020,  juin 2020, 248 p.

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