La narratrice de ce roman a présumé de ses forces physiques. Et ces 9 jours de randonnée tournent à la galéjade comme la leçon de choses (alpines). Son auteure, artiste et écrivaine, récidive ici dans le genre Safari (titre un de ses précédents livres chez le même éditeur).
Pour autant, l’héroïne — qui est (enfin presque) l’auteure elle-même - n’a jamais été une accro de la montagne et de la neige : “Mon mari a découvert la peau de phoque. Moi je n’ai rien découvert du tout. Sur l’Alpe, mon statut équivaut à celui d’un animal domestique.” Et l’auteure d’ajouter : “On me monte pour ne pas me laisser seule à la maison.” Mais ici elle en rajoute en s’inscrivant pour un périple douteux.
Tout va par monts et par vaux plus que par sauts et gambades. Parfois, la narratrice en a pour son argent : “Nous avons parmi nous un passionné de la flore alpine. Il nous explique la différence entre le sapin et l’épicéa. Quand les pives sont pendantes, ce sont des épicéas. Quand les pives sont montantes, ce sont des sapins”.
Mais ces belles considérations sont entravées par des torrents abrasifs qui ont creusé de profonds layons entre les troncs. “Nous dérapons sur une pâte composée de graines noires, d’humus et d’eau.”
L’auteure tente de se rappeler des leçons de son père qui adorait la montagne “mais les poncifs sont lettres mortes quand le corps ne répond plus ou mal”. D’autant que l’urbaine habituée ” à la géométrie de nos villes et campagnes” n’arrive plus à retrouver des repères.
La montagne ouvre à un “concassage qui n’a laissé aucun triangle isocèle digne de ce nom, pas de séries, pas de lignes droites, rien de vraiment net.”
La sensation du socle est soumis à divers soulèvements : celui des Alpes elles-mêmes sur lequel un guide avisé (enfin presque) revient. Celui des déracinés provisoires pendant cette neuvaine.
Ils ont beau savoir d’où sort la montagne : “Nous sommes allés à l’école, nous avons regardé la télévision, écouté la radio, nous avons lu Geo”, il arrive que l’auteure comme ses compagnes et compagnons deviennent blêmes et haves, leur sang stagne, les nez coulent.
Mais en fin de périple, il n’empêche, les enfants de l’auteure pourront claironner : “Maman a traversé les Alpes”.
Mais si elle a fait chuter des pierres, celles-ci le lui ont bien rendu.
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jean-paul gavard-perret
Laurence Boissier, Histoire d’un soulèvement, roman, artéfiction, coll. Shush Larry, Lausanne, 2020, juin 2020, 248 p.