Du fantastique de belle tenue
Une prophétie, un Évangile très convoité, un projet fou considéré comme une hérésie par de nombreux puissants, sont le point de départ d’une intrigue fantastique d’une grande beauté.
Comme dans tous les récits de ce genre, des personnages usent de magie, s’affrontent motivés par la haine, la vengeance, le goût du pouvoir, des ambitions à assouvir.
Brahnann, le druide aveugle, se porte au-devant de l’immense armée à la tête de laquelle chevauche Seth. Celui-ci est revenu d’entre les morts par l’action de Lazérath, son père le nécromant. Et Seth raconte dans quelles circonstances Sinead, la Templière, l’a tué. Mais la ville de Khyrion possède deux avantages de taille pour se défendre. L’Évangile d’Ariathie apporté par Sinead et l’Arbre de volonté donné par la déesse Saaphari. Brahnann se remémore les événements au cours desquels il a perdu son père et sa responsabilité dans ce drame.
Pier, l’architecte, et Camilia, sa fille, reviennent chez Maître Don Coskarelli, leur avocat. Il évoque le crime de Ronfield et comprend que celui-ci va au-delà d’un conflit d’argent. C’est le projet que le mage veut faire abandonner. Pier, dans une vision, discerne le mage recevoir le soutien de l’empereur du Nord. Il lui faut fuir immédiatement. L’avocat lui adjoint Dame Illywin, une Elfe, pour l’aider et le protéger.
Devant Khyrion, le combat se poursuit, les forces défendant la ville, menées par une Sinead déchaînée, semblent prendre le dessus, quand…
Au fil des albums, Jean-Luc Istin étoffe ses personnages en revenant, avec de nombreux flashbacks, sur leur jeunesse, sur une partie de leur passé et éclaire les sentiments qui les animent, les psychoses dont ils souffrent, les motivations qui les poussent. Il développe ainsi les mécanismes de son intrigue tout en maintenant un bon niveau d’actions, de péripéties. Il fournit beaucoup de précisions, livre nombre de réflexions de ses protagonistes dans des cartouches aux textes conséquents. µ
Il donne des points de vue, des remarques. Il fait dire à Seth qui parle de Sinead : « …car le courroux d’une femme est bien pire encore que celui d’un dieu. » Cette réflexion est-elle tirée de constations, de situations vécues par le scénariste ? Mais il évoque aussi la responsabilité individuelle, une responsabilité trop souvent niée en mettant en avant la société ou des croyances religieuses.
Le graphisme, aux couleurs directes, est l’œuvre de Sébastien Grenier. Celui-ci réalise des planches d’une qualité scénique et visuelle d’une beauté stupéfiante. Il donne des vues prodigieuses de paysages, de montagnes enneigées, de cités, de décors intérieurs. Il offre des pleines pages de combats, multipliant les affrontements violents. Il travaille ses personnages, les place avec des postures naturelles et une belle expressivité tant dans la gestuelle que dans les mimiques. Quand donc se tiendra une exposition des planches originales ?
Ce tome 3 est dans la lignée des précédents, une intrigue solide, des personnages bien campés et un graphisme épatant.
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serge perraud
Jean-Luc Istin (scénario) & Sébastien Grenier (dessin & couleurs), La Cathédrale des Abymes – t.03 : Quand vient le Sage…, Soleil, coll. “Fantastique”, octobre 2019, 56 p. – 14,50 €.