Une œuvre parfaitement accessible au grand public
Quoiqu’il s’agisse d’une œuvre mineure dans la filmographie de Bunuel, La Mort en ce jardin réunit les avantages de pouvoir ravir les inconditionnels et d’être (à la différence de ses chefs-d’œuvre) parfaitement accessible au grand public.
De fait, un spectateur qui ne saurait rien du cinéaste peut voir là un film d’aventures relativement classique, riche en suspense, pittoresque et d’autant plus plaisant qu’il réunit Simone Signoret, en prostituée cynique, et Georges Marchal, en aventurier fort séduisant. Charles Vanel et Michel Piccoli les accompagnent, pas toujours à l’aise dans leurs rôles, mais ayant chacun sa scène de brio.
L’action se situe dans un vague pays d’Amérique Latine, non loin du Brésil, où les mines de diamants se retrouvent subitement nationalisées, ce qui donne lieu à une révolte des chercheurs de fortune expropriés. Bunuel la met en scène non sans clins d’œil à Goya, avant de multiplier les références au surréalisme et à son imagerie personnelle : un œil crevé, un monologue sur les œufs mollets, un avion écrasé d’où vont surgir des bijoux et des robes de haute couture, ainsi que — le moment le plus saisissant du film — l’irruption des Champs-Élysées, avec le bruit de leur circulation, en pleine jungle (un souvenir du personnage de Vanel).
Le récit filmique est parfaitement réussi dans la première partie du film — qui apparaît comme très moderne tout en restant proche de la tradition -, mais la narration commence à faiblir, devenant plutôt artificielle, lorsque les protagonistes se retrouvent dans la forêt mortifère où ils cherchent leur chemin. La manière dont les personnages de Vanel, de Piccoli et de Signoret sont redéfinis dans cette partie-là n’est pas vraiment convaincante, si bien qu’on reste sur l’impression d’un film quelque peu bâclé, où le cinéaste n’a sans doute pas investi assez d’exigences. Cependant, La Mort en ce jardin mérite d’être (re)vu, ne serait-ce qu’à titre d’étape peu connue de la carrière de Bunuel.
Deux compléments accompagnent cette édition du film : une présentation par Charles Tesson, étonnamment pauvre d’intérêt, et le commentaire bien plus appréciable et développé de Philippe Rouyer. On déplore la réalisation de ces bonus, qu’on croirait due à un amateur.
agathe de lastyns
Luis Bunuel, La mort en ce jardin, DVD zone2, Editions Montparnasse, juin 2010, 2h13, 20,00 €