Tadeusz Konwicki, La Petite apocalypse

Déses­poir éclai­rant dans le dédale de Varsovie

Dans une Pologne qui se veut com­mu­niste et étouffe ses habi­tants dans l’oppression de ce que l’URSS a ensei­gné de plus contrai­gnant à ses satel­lites, un écri­vain qui n’arrive plus à écrire et ne croit plus en grand-chose, disons-le en pleine dépres­sion, reçoit de la part de deux intel­lec­tuels se pré­ten­dant de ses amis une pro­po­si­tion pour le moins sur­pre­nante : « Nous vou­drions te pro­po­ser quelque chose. Au nom de tous les cama­rades… Que, ce soir, tu te fasses brû­ler devant l’immeuble du comité cen­tral du Parti. » (p. 37).
Le choc, l’interrogation et la colère pas­sés, l’auteur s’accorde vingt-quatre heures pour réflé­chir à la pro­po­si­tion. Il part déam­bu­ler dans Var­so­vie, dans le but de voir ses amis et connais­sances, mais est sans cesse empê­ché dans sa quête par les contrôles d’identité aussi impromp­tus que ridi­cules, les appa­rat­chiks conver­tis à l’art ou autres dis­si­dents sur­tout atti­rés par les liber­tés occi­den­tales.
Il croi­sera aussi des femmes – sans les recon­naître – qu’il a déçues et des per­son­nages troubles dont il ne sait s’il faut les admi­rer ou les détester.

Entre des situa­tions que l’on ima­gine tout droit tirées de son expé­rience per­son­nelles, l’auteur, lui-même dis­si­dent après avoir été résis­tant pen­dant la Seconde Guerre mon­diale et « bou­ton­neux » envi­sa­geant de construire la Pologne com­mu­niste, dis­tille des dia­logues aussi absurdes que la vie telle qu’elle est impo­sée au com­mun des Polo­nais.
On s’asphyxie avec lui et avec eux tous dans les méandres de cette ville sous étroit contrôle et sur­veillance per­ma­nente, on se désenchante.

Et pour­tant, l’auteur nous enchante par sa verve (par­fois un poil trop ampou­lée, peut-être ?), son humour noir et le savant mélange d’historique et de bur­lesque, de cruel et de dro­la­tique. Son per­son­nage n’est ni aimable ni brave, il est juste humain.
La ville, per­son­nage à part entière, est aussi laby­rin­thique et grise que le non-sens imposé par la poli­tique de l’époque, qui finira par la chute de l’URSS.

Les édi­tions du Typhon se sont donné pour mis­sion de remettre au-devant de la scène des textes pou­vant se ran­ger sous la ban­nière des « Jeunes hommes en colère ». Ce texte, publié clan­des­ti­ne­ment en 1979, s’il est utile et pas­sion­nant sou­vent, éclai­rant encore à l’époque actuelle, aurait sans doute béné­fi­cié d’une relec­ture plus appro­fon­die de sa tra­duc­tion, car il sub­siste ici et là des fautes, coquilles ou lour­deurs dommageables.

agathe de lastyns

Tadeusz Kon­wi­cki, La Petite apo­ca­lypse, tra­duit du polo­nais par Zofia Bobo­wicz, Typhon, jan­vier 2020, 496 p. – 20,00 €

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