En prenant comme sujet un conflit au Moyen-Orient, le scénariste a un choix immense. Pierre Christin a retenu l’idée d’une conférence discrète, comme il s’en tient régulièrement, connue de quelques initiés.
Au quarante-sixième jour de la Grande Conférence, Léna Muybridge profite des derniers jours de l’été indien pour faire de l’équitation en forêt. Le prince Mansour croise sa route et ils rentrent au complexe hôtelier. Elle rencontre un certain nombre de personnes qui l’appellent Miss Léna, un Sir Charles de mauvaise humeur. Elle retrouve le Secrétaire Général pour accueillir Lundqvist. Elle lui est présentée comme la responsable, étant là pour répondre aux demandes de tous les délégués. En réponse à une question, elle précise qu’elle ne fait pas partie du personnel diplomatique du pays d’accueil mais de la société d’événementiel chargée du bon déroulement matériel des choses.
Lundqvist remplace Björn Jonsson, décédé lors du premier break de la Grande Conférence, dans un accident en faisant du voilier. Léna sait que le navigateur était un familier de la zone et que le cargo estonien, qui l’a percuté, naviguait sous pavillon de complaisance.
Cette conférence réunit des diplomates des différents pays impliqués dans une crise au Moyen-Orient. Ils doivent proposer une résolution qui sera adoptée par leurs gouvernements respectifs. Léna et Sir Charles sont là pour faire aboutir une solution diplomatique. Mais une menace plane sur les participants, une menace connue seulement de Léna. Elle doit absolument trouver qui, quand, comment…
Le scénariste appuie son récit sur la délimitation de nouvelles frontières sur une zone dénommée le Faristan, le nom d’une ancienne région de la Perse. Il propose une carte qui, autour de l’actuelle Syrie comme point central, met en scène la Jordanie, l’Arabie Saoudite, l’Irak, la zone Kurde de la Turquie, le Liban, Israël et les Territoires palestiniens.
Il évoque les accords Sykes-Picot de 1916, accords tenus longtemps secrets, quand la France et l’Angleterre remodelaient arbitrairement cette région. Pour ceux qui seraient intéressés par le sujet, par ces accords qui ont créé une situation en partie responsable des tensions et conflits actuels, la lecture du remarquable ouvrage de James Barr, Une ligne dans le sable, paru aux éditions Perrin en février 2017, est très éclairante.
Ce scénario montre aussi les trésors de patience dont doivent faire preuve les responsables de ce type de conférence pour essayer de trouver un consensus qui satisfasse toutes les parties prenantes. Mais Pierre Chritin donne une conclusion qui risque de ne pas être du goût de tous les admirateurs de l’héroïne.
André Juillard assure, comme à son habitude, un graphisme réaliste de toute beauté, une mise en page attractive et des scènes du plus grand intérêt.
Avec ce nouveau tome des missions de Léna, les deux créateurs signent un album à l’intrigue efficace, riche en enseignements, et une mise en images si réjouissante pour les yeux avec ses traits subtils et ses couleurs douces.
serge perraud
Pierre Christin (scénario) & André Juillard (dessin et couleurs), Léna – t.03 : Dans le brasier, Dargaud, janvier 2020, 56 p. – 15,00 €.