Gunga Din — 1939

Vous voici au pays des élé­phants et d’hommes capables au nom de leur croyance de s’élever au-delà d’eux-mêmes (on ne parle pas des Ecos­sais cor­ne­mu­sant of course).

Atten­tion, par­fum d’enfance garanti : moins que tren­te­naires, pas­sez votre che­min, vous seriez inca­pables d’apprécier à sa juste mesure, à sa juste saveur ce film mythique, inédit en dvd et que les édi­tions Mont­par­nasse font paraître dans la col­lec­tion “dia­mant”, qui porte bien son nom. Pour­quoi mythique ? Non pas tant parce que ce film du tout début des années 40 serait inou­bliable, du point de vue for­mel, en soi que parce qu’il ren­voie cha­cun de nous à l’âge où nous l’avons vu pour la pre­mière fois à l’écran, vrai­sem­bla­ble­ment sur celui de la petite lucarne de notre enfance. Ce récit débridé, tra­versé par maints Ecos­sais aussi hilares qu’avinés, est un film d’aventures pur jus, sans effets spé­ciaux toni­truants (il faut dire qu’à l’époque…) où nous assis­tons aux tri­bu­la­tions de trois joyeux drilles en Inde, à la fin du siècle dernier.

Trois ser­gents indé­crot­tables — Cut­ter (Cary Grant), Mac Ches­ney (Vic­tor MacLa­glen) et Bal­lan­tine (Dou­glas Fair­banks Jr.) — sont envoyés à un poste avancé, dont la gar­ni­son bri­tan­nique est sans nou­velles. Sur place, la rai­son de ce mutisme s’explique dès que les trois sol­dats et leur troupe sont atta­qués par la secte fana­tique des Thugs. Un affron­te­ment qui ne fait que com­men­cer, un ter­rible piège étant tendu à l’ “enva­his­seur” par le chef des Thugs rebelles n’ayant d’yeux (dieu ?) que pour Kali tan­dis que le por­teur d’eau indien, Gunga Din (Sam Jaffe) s’entraîne à jouer au fan­tas­sin et au clai­ron anglais, Cut­ter n’étant mobi­lisé quant à lui que par les mon­tagnes d’or qu’il entend dur comme fer trou­ver dans les mon­tagnes indiennes.…

Si le sus­pense et l’action sont au rendez-vous, c’est sur­tout par sa dimen­sion humo­ris­tique que brille ce Gunga Din emprunté au roman­cier Kipling par le réa­li­sa­teur George Ste­vens : mal­gré les morts et les mas­sacres qui sont légion, Cut­ter et Mac Ches­ney n’ont de cesse que d’empêcher par tous les moyens leur cama­rade et ami de cham­brée Bal­lan­tine de quit­ter l’armée pour se fian­cer. Les cocasses stra­ta­gèmes mis en place, entre deux ter­ribles rou­le­ments d’yeux de Cary Grant, magis­tral, font ainsi oublier la décou­verte des Thugs et leur éra­di­ca­tion, exo­tique déco­rum du film, qui furent pour­tant l’une affaires les plus reten­tis­santes du début du siècle der­nier — thème repris d’ailleurs de manière tout aussi lou­foque (il fau­drait qu’on inter­roge le cinéma US là-dessus) dans le film Indiana Jones et le Temple mau­dit. Gunga Din, pour l’anecdote film d’action pré­féré de Jona­than Barry Pren­der­gast (dont le père était pro­prié­taire d’une chaîne de ciné­mas), qui com­posa, entre autres miè­vre­ries, à par­tir de 1962 les musiques de onze “James Bond”, relève néan­moins de pos­tu­lats idéo­lo­giques au moins dou­teux. Les scènes où le pauvre Gun Din imite les sol­dats et où ceux-ci donnent des ordres aux Indiens sont assez dif­fi­ciles à ava­ler tant elles sentent — empestent — leur pesant d’ethnocentrisme made in England.

Malgré ce poids kitsch gran­di­lo­quent et peu cré­dible, mal­gré la dou­lou­reuse absence de bonus et l’insanité de la ver­sion fran­çaise, la magie du film fonc­tionne à un autre niveau : celui du noir et blanc filan­dreux, du son mono cra­quant qui vous emmène, loin de la pureté new age d’aujourd’hui syno­nyme bien sou­vent de neu­tra­lité séman­tique, au pays des élé­phants et d’hommes capables au nom de leur croyance de s’élever au-delà d’eux-mêmes (on ne parle pas des Ecos­sais cor­ne­mu­sant of course). Image d’Epinal d’une Inde d’un autre temps appré­hen­dée par un cinéma-médium tout juste par­lant qui bégaye encore pour la nom­mer. Bref, c’est énorme, c’est épa­tant.

fre­de­ric grolleau

Gunga Din — 1939

Edi­teur Édi­tions Mont­par­nasse — Zone 2 Prévu le 05 fév 2003 — 16 € / Clas­sique Réa­li­sa­teur : Georges Ste­vens Acteurs : Cary Grant, Vic­tor MacLa­glen, Dou­glas Fair­banks Jr, Sam Jaffe, Eduardo Cian­nelli, Joan Fon­taine Durée : 115 minutes

-  4/3

For­mat image 1.33 / For­mat son Anglais : Dolby Mono Fran­çais : Dolby Mono / Sous-titres Fran­çais / bonus : Bande-annonce d’époque

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