Ian McEwan, Une machine comme moi

Temps à l’envers 

Dans ce roman de mathé­ma­ti­cien et cryp­to­logue, Alan Turing — mort le 7 juin 1954 à Wilm­slow — est encore en vie bien que ce roman se passe en 1982 dans un Londres où les Beatles sont tou­jours au com­plet et les Anglais ont perdu la guerre des Malouines. Grâce à Turing, des prouesses tech­no­lo­giques et scien­ti­fiques en matière d’intelligence arti­fi­cielle sont aussi fla­grantes que  fulgurantes.

Le héros du livre (Char­lie)  peut donc faire l’acquisition d’un androïde doté de l’intelligence arti­fi­cielle maxi­mum et quasi humaine. Il est capable de tenir des conver­sa­tions, écrit des poèmes et tombe amou­reux de Miranda, l’amie de Char­lie.
Ce der­nier devient jaloux de la créa­ture mais néan­moins ce tri­angle sinon équi­la­té­ral du moins rec­tan­gu­laire fonc­tionne sans faire atten­tion aux catas­trophes éco­no­miques et sociales qui bou­le­versent l’Angleterre après l’assassinat du Pre­mier ministre et la pos­si­bi­lité d’une sor­tie de l’Union européenne.

Mais — et c’est là où la fic­tion se ren­verse — l’androïde et ses sem­blables sont fabri­qués pour res­pec­ter les règles et ils ne sup­portent pas les men­songes. Si bien que même au sein du trio la situa­tion devient inte­nable. McE­wan fait preuve ici de l’humour acide et de l’impertinence qu’on lui connaît. Il ana­lyse par l’action même de sa fic­tion les risques d’inventer ce qui échappe au contrôle de l’être humain.
Par-delà, un pro­blème mélan­co­lique est posé : en construi­sant une machine qui aurait accès ce qui se passe en nous, serait-il pos­sible qu’une telle machine accepte ce qu’elle y découvre ?

En sor­tant  dans ce roman les héros de l’habituelle mai­son de leur être,  l’auteur fait jaillir de la réa­lité d’étranges fan­tômes dans lequel le quo­ti­dien devient  non pas plus ano­nyme mais sur­tout inquié­tant dans ce qui tient d’un temps à l’envers mais tout autant à l’état pur.

jean-paul gavard-perret

Ian McE­wan, Une machine comme moi, trad. de l’anglais par France Camus-Pichon, Gal­li­mard, coll. “Du monde entier”, Paris, 2020.

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