En introduction, Zidrou livre le monologue d’un individu qui en attend un autre et qui argue qu’une balle est encore le mieux pour dire adieu aux secrets qui tourmentent, que l’oubli est le privilège des vivants. “Les morts, eux, se souviennent.”
Andrea va avoir seize ans. Il pique-nique avec ses parents quand deux individus surviennent. Ils tuent le père, violent la mère, forçant le garçon à regarder parce que l’instruction est importante. Elle se suicide. Orso, un colosse, se manifeste. Bien que les connaissant, il les tue et emmène Andrea. À son arrivée chez lui, il lui présente son épouse, son fils et sa fille. Andrea tombe immédiatement amoureux.
Commence alors pour le jeune homme, intégré dans la famille, l’apprentissage du métier de tueur auprès d’Orso, ce chef mafieux tyrannique et cruel. Parallèlement, il vit un amour impossible. Et puis, cette nouvelle vie bascule quand il comprend qu’il n’est pas le seul à porter des secrets, que tous ceux qui l’entourent…
Dans cet album, Zidrou conjugue amour et violence, destinée et tragédie, souffrance et trahison. Il propose un récit cadencé, dur, voire cruel, pétri d’une violence assumée par les protagonistes. Il livre une belle parabole avec une amande, fruit cultivé sur une des propriétés d’Orso : “La vie, c’est comme cette amande : tout doux, tout soyeux par-dehors… Si tu veux le bouffer, le fruit qu’il y a dedans, t’as qu’une solution… La violence !”, explique-t-il en écrasant la coque.
Le récit se développe comme une tragédie où le destin des personnages s’accomplit inexorablement, résultat de leurs propres options ou de choix imposés par la nature humaine. Quant à l’amour, le scénariste fait preuve d’une noirceur extrême, définissant les délices de ceux qui aiment, la souffrance subie par ceux qui veulent être aimés. Les dialogues, teintés de trivialité, ne cachent rien des scènes amoureuses ou violentes. Dans cette Italie des années 1930, un destin implacable mène ses personnages jusqu’à une chute tragique.
C’est Oriol qui, ayant déjà assuré le graphisme du premier volume, paru en juin 2012, réalise celui-ci. Son dessin est particulier avec ce trait affirmé, sobre, cette manière d’assurer les nuances, les ombres, les dégradés avec la couleur. Celle-ci se compose surtout de larges à-plats aux teintes vives. Les personnages sont esquissés, presque des silhouettes, alors qu’il donne quelques vignettes avec de splendides portraits.
Ce tome 2 de La Peau de l’ours signe un drame familial avec toute la cruauté que l’on peut trouver dans de telles conditions.
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serge perraud
Zidrou (scénario) & Oriol (dessin et couleurs), La Peau de l’ours – t.02, Dargaud, janvier 2020, 64 p. – 14,99 €.