Les cités lacustres du photographe américain James Casebere sont la résultante d’étranges pavillons minimalistes, lieux vides et ambigus évoquant d’étranges “animaux” à l’affût sur les surfaces de l’eau. Existe une présence certes artificielle et comme inopinée mais qui souligne et transforme les lieux calmes par des formes rigides et cassantes.
Depuis une quarantaine d’années, l’artiste poursuit son interrogation sur les aspects fondamentaux de l’architecture et de son emprise. Ici, le lieu clos qu’il commença à présenter avec le bunket ou l’aqueduc s’ouvre là où l’enfermement se réduit par des ouvertures qui articulent l’espace avec la lumière.
De tels travaux ne renvoient pas à une réalité identifiable : Casebere conçoit lui-même ses structures. Ses maquettes (polystyrène et bois) sont soigneusement peintes, puis judicieusement éclairées, avant de servir de base à ses photographies monumentales. Echelles, lumières, éclairages créent un spectacle par lequel il ne s’agit pas de tromper le regardeur mais de lui faire reconsidérer l’espace en des ambiances théâtralisées là où la pavillon devient le temple d’un culte en l’ honneur d’aucune présence divine ou humaine.
Rien n’a lieu que le lieu. L’artiste se contente d’en éliminer les symboles pour ne conserver qu’une coquille, charpente ou carcasse propre à une méditation non sur l’au-delà mais sur l’ici-même. Cohabitent diverses conjonctures d’élévation, oblitération, harmonie et ironie.
Dès lors, la somptuosité destinée à fédérer des peuples autour d’une croyance se réduit ici à l’état de vestige. Le lieu n’est plus qu’un creux. Il ne témoigne que de sa présence momentanée dans la poésie du présent.
Ce qui ne donne que plus d’éternité à une telle provisoire proposition que les photographies façonnent.
jean-paul gavard-perret
James Casebere, On the Water’s Edge, galerie Templon, Paris, du 11 janvier au 7 mars 2020.