Coco Texerdre : Delta de bien des ganges
Coco Téxèdre est une impertinente incorrigible. Pour preuve et par exemple, sa Découture d’une culotte de femme oeuvre produite lors de la performance d’Olga Theuriet, Galerie Arnaud Lefebvre, Paris 6e). Avec elle, du presque rien fait un tout comme elle l’a prouvé récemment à la Galerie 21 de Toulouse. Le corps reste donc toujours présent mais de manière diffuse et donc jamais directement. Ce qui lui donne, bien sûr, plus de force de suggestion.
L’artiste reconstitue des chambres d’illusion optique là où quelques éléments signifiants semblent sauvés des eaux pour des histoire d’O de nouvelle engeance. Plus largement, Coco Téxèdre reconstitue sa propre «Recherche du temps perdu». Surgit la promesse d’un autre horizon, d’une autre aventure à la fois plastique et existentielle. Les images engendrent des ouvertures comme des caches et offrent un temps pour la mémoire et un autre pour la réflexion. C’est pourquoi, ici, l’image ne se vide jamais de sa substance et permet de ranimer celles qui sont réduites à l’état de fantômes.
Chaque oeuvre devient moins un faire-part qu’un faire-corps au sein d’une révolte contre l’incompréhension. L’artiste crée à sa manière une lutte contre le temps et un petit traité de sagesse coquine. Les objets de recouvrement sont dilatés sans ostentation mais de manière elliptique qui trouble le regard par une sorte de minimalisme.
Tout est là de manière crue mais jamais exhibitionniste. Chaque image devient un étui à surprise non sans parfois une saveur surréaliste. Elle contient par effet paradoxal de «dessus» des délices à double feuilletage. Surgissent d’étranges fleurs de l’Apocalypse nées d’une source d’inspiration discrètement militante. C’est une manière de forcer l’imagination du spectateur à imaginer.
Dans un raffinement polymorphe, l’artiste dégage la glu du désir tout en tissant et ravaudant un ravissement imprévu. Des équilibres vestimentaires naît un imaginaire à valeur aussi votive qu’«allumée». Et si Coco Téxèdre balaye la poussière de la sexualité, c’est pour rendre la vie plus vive voire plus profonde. Néanmoins, il ne s’agit pas d’espérer admirer entre les dentelles l’origine du monde. Mais certaines facettes de l’Histoire se brodent au féminin.
Les stylistes de la haute couture diront que de tels dessous chics sont caducs. Ils ajouteront que Coco Téxèdre a vu trop grand et qu’il faudrait des modèles plus petits. Mais l’artiste s’envoie en l’air toute seule. Elle n’a pas besoin de conseilleurs qui ne sont jamais les payeurs.
jean-paul gavard-perret
Coco Téxèdre, Oeil Sein avec Laurent Grison, Chez l’Artiste, 2019. Voir son site.