James Lee Burke, La Nuit la plus longue / Dernier tramway pour les Champs-Elysées

Du James Lee Burke comme on l’aime — révolté et manipulateur

James Lee Burke et son iné­nar­rable Dave Robi­cheau, le poli­cier alcoo­lique, sont de retour dans ces deux opus très dif­fé­rents, et qui pour­tant reprennent les thèmes phares de l’auteur le plus atta­chant du Bayou. Der­nier tram­way pour les Champs-Elysées est le pre­mier dans l’ordre chro­no­lo­gique — son action se situe en 2002 — et l’on y retrouve Dave tra­ver­sant une passe dif­fi­cile de sa vie.Il souffre de la perte de sa fille, morte dans l’incendie de sa mai­son, et la culpa­bi­lité s’allie au cha­grin pour com­pli­quer ses ten­ta­tives d’en finir avec son pro­blème d’alcool.
Dans La Nuit la plus longue, c’est le pas­sage de l’ouragan Katrina que Burke évoque, dans les des­crip­tions choc d’images sai­sis­santes de la catas­trophe qui laissa la Nou­velle Orléans en grande par­tie dévas­tée. La ville est sur­tout la proie de bandes orga­ni­sées qui écument les mai­sons aban­don­nées à la hâte, des règle­ments de comptes à peu de frais, des lyn­chages raciaux… bref, d’hommes et de femmes ordi­naires reve­nus à l’état le plus bes­tial. L’instinct de sur­vie des uns et l’avidité des autres conduisent les êtres à révé­ler leurs aspects les plus vils.

Comme d’habitude, Dave Robi­cheau est confronté ici aux élé­ments les moins fré­quen­tables de la ville et de sa Loui­siane ché­rie : tel mafieux qui se donne des airs de res­pec­ta­bi­lité, tels jeunes délin­quants qui, par cupi­dité, par dés­œu­vre­ment ou par bêtise, com­mettent sans cil­ler les pires méfaits, tel psy­cho­pathe aussi inson­dable qu’insaisissable… Les intrigues bien our­dies de Burke ne sont en fait que pré­textes à cra­cher son venin. Il s’en prend une nou­velle fois à l’influence néfaste, voire létale, de l’homme sur la nature, et constate avec une tris­tesse mêlée de colère l’inertie cou­pable des auto­ri­tés.
Rien de nou­veau dans le Bayou, donc, ce havre de paix qui lui est si cher et qu’il ne fait pas bon vio­ler. Pas plus qu’il ne fait bon s’attaquer aux proches de son Dave Robi­cheau. Gare à celui, quel qu’il soit, qui com­met l’erreur de s’en prendre à sa nou­velle com­pagne ou à sa fille Ala­fair (dans La Nuit la plus longue), ou à un prêtre géné­reux mais un peu trop bavard (dans Der­nier tram­way pour les Champs-Elysées).

Et puis, Burke est joueur et res­pec­tueux de son lec­to­rat, car le sus­pense est tou­jours ménagé : le vrai méchant n’est pas for­cé­ment celui qu’on croit ou qu’il nous conduit à soup­çon­ner. Ces deux livres, qui paraissent simul­ta­né­ment, bien que très dif­fé­rents dans le choix de l’histoire poli­cière et des per­son­nages secon­daires, se rejoignent en un point, véri­table fil rouge de toute l’œuvre d’un auteur que l’on a tou­jours plai­sir à retrou­ver : la cri­tique non dis­si­mu­lée d’une société qui pié­tine les plus faibles et détruit la beauté, pour le seul béné­fice des puis­sants et des mal­hon­nêtes (les pro­mo­teurs, les tra­fi­quants, les poli­tiques…).
Et tout cela dans une hypo­cri­sie ambiante, qui fait qu’on ne montre jamais les barons de la pègre ni les poli­ti­ciens pour­ris. Enten­dez : les vrais coupables.

agathe de lastyns

James Lee Burke, La Nuit la plus longue, tra­duit de l’anglais (Etats-Unis) par Chris­tophe Mer­cier, coll. “Thril­ler”, Payot & Rivages, avril 2011, 475 p. — 22€
James Lee Burke, Der­nier tram­way pour les Champs-Elysées, tra­duit de l’anglais (Etats-Unis) par Freddy Michalski, coll. “Rivages Noir”, Payot & Rivages, avril 2011, 445 p. — 9,50€

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