La Wehrmacht, cette armée allemande, fait encore aujourd’hui l’objet d’une fascination, une illustration de la supériorité militaire germanique. Mais celle-ci est-elle aussi réelle que de nombreux historiens ont voulu le dire ? N’est-ce pas une légende écrite pour des besoins triviaux, écrite par des vaincus ? Jean Lopez et son équipe de rédacteurs cherchent à cerner la vérité.
Cette armée a fait preuve d’une culture militaire originale avec la Blitzkrieg et une capacité à innover avec les armes modernes telles que les chars, les avions… Cette guerre-éclair est ancrée dans un passé prussien et impérial. Il faut remonter jusqu’à Frédéric II, dit le Grand, ce roi-soldat par excellence. Celui-ci, a dû, par la force de choses, mettre au point des tactiques lui permettant des victoires rapides car il n’avait pas les moyens de s’engager dans de longs conflits.
C’est ce choix qui a perduré et qui a été porteur des succès que l’Histoire a inscrit: rattachement de la Silésie, puis peu à peu, d’annexion en annexion, l’unité de l’Allemagne jusqu’en 1871. Le premier revers de cette tactique est venu pendant la Grande Guerre malgré, sur le front de l’Est, des victoires décisives selon le concept utilisé par Hannibal à Cannes en 216 avant J.- C.
Cette stratégie, cependant, trouve son apogée entre 1939 et 1941. Puis c’est l’écroulement après la défaite, face à Moscou, en décembre 1941. Bien que cette armée ait été l’instrument d’Hitler et du nazisme, elle a pendant longtemps été auréolée du mythe d’une armée propre.
Ce n’est qu’à partir des années 1990 que la réalité a émergé, montrant la face criminelle car elle a été : “… le serviteur empressé de sa politique de conquête et d’extermination.”
En une cinquantaine d’articles, tous plus fournis les uns que les autres en précisions, en détails, cet ouvrage balaie tous les aspects de cette armée d’exception à certains points de vue, de ses racines jusqu’à son extinction. Outre les explications sur les raisons de cette supériorité développée depuis Frédéric II, l’essentiel de l’ouvrage porte sur la période comprise entre 1939 et 1945, du rodage de stratégies en Pologne jusqu’à l’écrasement par les Alliés.
C’est le récit de toutes les grandes opérations, campagnes et batailles : invasion de la Pologne, bataille de France, Dunkerque, bataille d’Angleterre, opération Barbarossa, Stalingrad, Koursk, débarquements, Ardennes…
Au passage, les auteurs remettent des pendules à l’heure, rétablissant la vérité comme, par exemple, sur la charge des lanciers polonais contre les Panzers, charge qui n’a jamais eu lieu. Il raconte comment Franz Halder, en 1946, est recruté par le colonel Potter pour comprendre les raisons de l’efficacité de la Wehrmacht et en faire profiter l’armée américaine.
Celui-ci, à ce poste, fait de l’État-major de l’armée des victimes plutôt que des complices.
Une dernière partie est consacrée aux armes de toutes natures utilisées par les belligérants, les chars, les avions, tout le matériel qui fascina tant les armées opposées. Un glossaire complète heureusement cette magnifique compilation organisée de belle manière pour saisir toutes les données, les décisions prises et leurs conséquences.
Quelques chiffres évocateurs donnent le tournis : 100 tués par heure pendant 2077 jours, 19 pays totalement ou partiellement occupés, 17 300 000 hommes et femmes incorporés dans cette armée pendant la guerre, 12 000 000 soldats capturés par la Wehrmacht…
Le volume, richement illustré de photos, cartes, schémas et de nombreuses infographies, propose une vision réelle de cette armée et apporte nombre de réponses sur son fonctionnement, sur les décisions qui ont provoqué son effondrement.
serge perraud
Livre illustré sous la direction de Jean Lopez, La Wehrmacht — La fin d’un mythe, Éditions Perrin, novembre 2019, 448 p. – 35,00 €.