Plus de cinq millions de morts en six mois !
Les germes de cette opération se trouvent déjà dans Mein Kampf où Hitler écrit qu’il faut détruire l’État soviétique pour assurer l’avenir du Reich. Il continuera à marteler cette idée et, par exemple, ne dira pas autre chose lors d’un dîner qui réunit le gratin de la Reichwehr, le 3 février 1933. Le nom de cette opération a été choisi en référence à Frédéric Ier de Hohenstaufen, dit Frédéric Barberousse, un ancien empereur germanique. Elle se déroule du 22 juin 1941 au 22 janvier 1942 quand la bataille de Moscou est gagnée par Joukov.
L’opération Barbarossa occupe une place à part dans l’histoire militaire car jamais un conflit n’avait autant été idéologisé. D’un côté, une croisade paneuropéenne, de l’autre la lutte contre le Complot capitaliste. Elle a mobilisé des moyens considérables en hommes et en matériels. Elle a été l’objet d’une série d’aveuglements, d’incompétences, d’illusions. Comment un Staline, ce piètre chef de guerre, a-t-il pu se laisser surprendre par cette attaque qui s’organisait depuis des mois et dont il avait été averti plus de cent fois ?
L’armée allemande déploie sa violence et vit dans l’obsession des partisans, des francs-tireurs, massacrant ainsi des populations qui auraient pu lui être acquises. L’armée rouge, la créature d’un parti politique, intègre les organes de surveillance et de la répression sauvage du bolchevisme stalinien.
En 200 jours, elle fait cinq millions de morts, soldats et civils, hommes, femmes, enfants ce qui fait un décompte horrible de mille morts par heure, jour et nuit. Les blessés ne se comptent même plus ! Les auteurs exposent la brutalité démesurée déployée contre les populations civiles, à la ville comme à la campagne, pour des raisons idéologiques, économiques et de lutte contre-insurrectionnelle. En 1941, la répression stalinienne n’a pas connu de pause dans les armées. Le NKVD a continué à déporter en masse, plus de 1,2 millions d’hommes en six mois, à traquer de fausses Cinquièmes Colonnes. À l’arrière, la terreur contre les civils s’accroît encore.
Les écrivains, pour reconstituer dans le moindre détail cette opération, ont brassé des quantités incroyables de documents de toutes natures entre archives, mémoires, journaux, écrits personnels, rapports, enquêtes, interviews de vétérans…
Il en résulte un ouvrage d’exception, une fresque terrible, qui se compose de cinq parties. Après la genèse de l’opération depuis les brasseries de Munich jusqu’à l’été 1940, c’est le récit de l’élaboration des plans, des préparatifs, des outils militaires. Puis, les auteurs racontent les combats du 22 juin jusqu’à fin septembre, l’avancée spectaculaire jusqu’au doute. Ils révèlent l’automne des illusions, de part et d’autre, du 1er octobre au 15 novembre. Le livre se termine avec les ultimes combats et la retraite de ce qui reste des armées allemandes.
Les rédacteurs ne laissent rien dans l’ombre, évoquant tous les endroits en lien avec cette titanesque bataille, du bunker d’Hitler à la datcha de Staline, du Kremlin aux états-majors du front, des unités en marche aux fosses d’exécution, du NKVD aux Einsatzgruppen…
Détaillé, précis, presque pointilleux, tout est analysé, expliqué, toute information est vérifiée et disséquée, exploitée avec un talent remarquable. Et cette énorme compilation est si bien présentée, cartes nombreuses à l’appui, si bien écrite qu’elle se lit presque comme un roman policier dont on a hâte de connaître la chute !
serge perraud
Jean Lopez & Lasha Otkhmezuri, Barbarossa – 1941, La guerre absolue, Passés composés, août 2019, 960 p. – 31,00 €.